De même que tous les personnages, les décors de Potemkine*, le scénario, la mise en scène avec son lumière de votre rêve nocturne ne sont des facettes d'un même mental (cerveau), chaque impression ou apparence de conscience séparée, de moi individuel auteur des pensées et des actes, n'est en réalité une contraction de la Conscience Une que Vous êtes.
Le personnage que tu sembles devenir dans ton rêve nocturne n'est qu'une contraction-localisation de ton mental.
Le personnage que tu sembles être dans l'état de veille, c'est à dire celui qui semble lire ce texte et être l'auteur des pensées qui le commentent en cet instant même, qu'on pourrait nommer corps-mental, est en réalité une contraction-localisation de la Réalité Ultime et Une.
Pour redevenir lucide au cœur d'un rêve nocturne, il s'agit de questionner la réalité du rêve. Il y a des techniques éprouvées pour devenir conscient au cœur du rêve nocturne.
De même, pour redevenir lucide au cœur de l'état de veille dans lequel nous sommes manifestement maintenant, il est essentiel de remettre en question la croyance l'illusion de la séparation et la croyance racine qui la soutient "Je suis quelqu'un", "Je est une personne séparée".
Depuis 6000 ans les sages de toutes les traditions nous exhortent à cette Connaissance, à reconnaître Ce par quoi tout est connu.
Dans la Kena Upanishad, il est dit : "Ce n'est pas ce que l'œil voit, c'est Ce par quoi l'œil voit, tel est le Brahman et non ce qu'on honore comme tel. Kena signifie en sanscrit, ce par quoi.
Sur le frontispice du temple de Delphes dans l'antiquité il était inscrit : "Connais toi toi-même" (du grec gnỗthi seautón). Selon le Charmide de Platon c'était le plus ancien des trois préceptes inscrits. Et aussi le plus important, car on dit par la suite de cette sentence était suivie par la phrase "Et tu connaîtras l'univers et ses Dieux". Car c'est par la Connaissance de qui Je suis réellement que tout est connu.
Nous devons donc absolument découvrir dans cette vie qui nous sommes. C'est l'invitation ultime de la Vie que de se reconnaître en chacun de nous, en chaque Un. Shankarasharya, ("le porteur de félicité", un des noms de Shiva), grand commentateur des textes sacrées et initiateur de la philosophie de l'Advaïta Vedanta au 8è siècle, disait même que sans cette reconnaissance la vie humaine était vaine.
Je n'irais pas jusque là. Mais quelle est la valeur d'une expérience si celle-ci n'est pas goûtée directement par ce que Vous êtes ultimement ? Quelle est la valeur de la vie, lorsque la Vie Elle-même ne s'est pas reconnue complètement au travers de ce corps mental ? Quelle est la valeur de la vie si elle n'est pas consciente d'être consciente, consciente d'être la Conscience consciente d'être consciente ?
Tant que la Vie n'est pas consciente d'être consciente, la Vie croit être ceci ou cela, une personne séparée, la paix , la joie, l'amour, la liberté qui sont des "caractéristiques" de notre vraie nature semblent perdues, et alors il y a cette quête de paix dans le monde et au travers des autres qui mènent à la souffrance et aux conflits dans le monde. Nous sommes alors ballottés dans la roue du samsara, entre peurs et désirs.
Par le questionnement assidu et radical "qui suis-je", et en laissant les réponses issues du mental apparaître et disparaître, il est possible de ramener l'attention à 180 degrés depuis les perceptions (mental, corps, monde) vers la source de l'être non duel en nous, vers cette Présence Conscience, qui n'est ni ceci, ni cela, rien de perceptible et rien de concevable et redécouvrir que nous sommes la Paix, la Joie et l'Amour que nous cherchions au travers d'expériences dans le monde.
L'éveil spirituel est à l'état de veille ce que la lucidité du rêveur est au rêve nocturne.
Si tout ce que nous percevons dans l'état de veille, (le monde, le corps, le mental) est perçu comme l'expression de JE, de Cela qui perçoit, alors l'émerveillement d'être le Sans forme qui prend toute forme se révèle spontanément comme étant notre vraie nature éveillée. Vous réalisez que Tout est Un comme le titre d'un livre magnifique de Ellam Omru que Ramana Maharshi, le grand sage de l'Inde contemporaine considérait comme un des plus beaux textes de non dualité et que vous pouvez écoutez ici :
* L'expression « village Potemkine » désigne un trompe-l'œil à des fins de propagande.Selon une légende historique, de luxueuses façades en carton-pâte auraient été érigées, à la demande du ministre russe Grigori Potemkine, afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l'impératrice Catherine II en Crimée en 1787.