L'enseignement non duel n’est pas à proprement parler un enseignement dans le sens où nous l’entendons habituellement. Il ne s’agit nullement d’accumuler des connaissances pour ensuite aboutir à une connaissance mais plutôt de désapprendre une ignorance pour révéler un savoir déjà pleinement présent.
Et d’ailleurs, comment pourrions nous enseigner à quelqu’un à être ?
Tout être est déjà en train d’être. Comme le disait Krishna dans la Baghavad Gita :
« L'irréel n'a pas d'être, le réel ne cesse jamais d'être. La vérité profonde de ces deux principes a été perçue ainsi par ceux qui voient la Réalité ultime.
Sache en vérité que Cela, par quoi tout ceci est imprégné, est indestructible. Nul ne peut oeuvrer à la destruction de cet être immuable. »
Mais peut-etre que nous pouvons nous rappeler à quel point nous avons négligé l’essentiel, c’est à dire l’être. Peut-être que nous avons recouvert cette simple reconnaissance par les voiles de la confusion et de l’identification à ce que nous ne sommes pas. Cela arrive à tout le monde même aux meilleurs, comme Arjuna, le grand guerrier du Mahabharata. Et, c’est à l’aube de la dernière bataille entre les Pandava et les Kaurava dans la cosmogonie hindoue du Mahabharata, qu’a justement lieu le célèbre enseignement non duel de Krishna à Arjuna qui va mettre fin à son ignorance et à ses peurs et lui permettre de réaliser le Soi avant d’aller combattre pour soutenir le Dharma.
L’ignorance de notre véritable nature est la cause racine de toute souffrance et de la plupart des conflits dans le monde, entre les nations, entre l’homme et l’animal, entre l’homme et la nature et des conflits entre les humains eux-mêmes.
Il s’agit en effet ici de remettre en question de façon radicale et absolue ce que nous nommons la réalité, ce qui nous amène évidemment au questionnement essentiel : Qui suis-je ? Pourquoi ? Parce que tant que je ne sais pas qui je suis, rien de ce dont Je ferais l’expérience ne pourrait réellement être connu.
Déjà sur le frontispice du temple d’Apollon à Delphes dans l’antiquité il était inscrit « Connais toi toi-même et tu connaîtras l’univers et ses Dieux ».
Le but de l’enseignement non duel est donc de se connaître soi-même, non pas de façon psychologique, philosophique, intellectuelle, anthropologique, émotionnelle, mais spirituelle, c’est à dire connaître notre nature véritable, le cœur de nous-mêmes, notre être même !
Or lorsque nous menons l’investigation du Soi, c’est à dire lorsque nous permettons simplement à l’attention qui était portée vers les objets de se détendre dans sa propre source, que re dé couvrons nous d’essentiel, de réel c’est à dire qui ne change pas ?
Nous re dé couvrons toujours un sentiment d’être qui est à la fois présent, toujours présent, et conscient. Je re dé couvre que ce que Je suis essentiellement est une présence consciente. Nous découvrons que cette présence consciente était déjà là et qu’il n’y a nul effort à faire pour faire cette découverte. Cette reconnaissance est simple et pour ainsi dire évidente.
Cette présence consciente demeure inaltérable quels que soient les expériences, les perceptions, les pensées, les sentiments ou les émotions. Aucune expérience ne peut l’améliorer ou la dégrader. Aucune perception apparaissant disparaissant au sein de cet espace de connaissance n’a le pouvoir de le modifier.
Cette reconnaissance n’a pas besoin de lectures ou de visionages de vidéos sur la non dualité, ni de pratique particulière pour avoir lieu. Il n’y a aucun effort à faire pour que cette reconnaissance ait lieu. Cette reconnaissance ne dépend d’aucun cheminement. Pourquoi ? Parce que cette reconnaissance est faite par la Conscience elle-même qui n’existe pas dans l’espace temps !
C’est la Conscience atemporelle qui se reconnaît Elle-même comme étant atemporelle. C’est l’éternel maintenant qui se réalise Lui-même !
Cette réalisation ne peut jamais venir d’une source extérieure quelle qu’elle soit et en aucun d’un guru aussi lumineux et puissant soit-il !
Il n’y a pas non plus besoin d’avoir une expérience illuminatrice ou extraordinaire pour que cette reconnaissance ait lieu.
Parfois il arrive que cette reconnaissance soit accompagnée d’une libération énergétique qui occasionne des extases ou des visions mais dans la plupart des cas cela arrive sans trompettes et tambours, sans même sans que l’on s’en rende compte, comme une douleur migraineuse qui soudain n’est plus là. Mais vous le pouvez pas dire exactement le moment précis où elle vous a quittée.
Quand cette reconnaissance a lieu, nous savons que nous sommes déjà ce que nous cherchions.
Rumi disait :
« J’ai tant frappé à ta porte vérité. J’ai cogné - ne et cogné jusqu’au sang. Un jour la porte s’est ouverte et j’ai vu que j’avais frappé de l’intérieur. »
Nous sommes déjà ce que nous cherchons. Quand ceci est réalisé la boucle est bouclé, le fils prodigue est de retour chez lui et le Père l’accueille.
Nous découvrons que notre vraie nature est libre de toute souffrance, frustration, impuissance ou sentiment de séparation. Nous éprouvons la paix, la joie et l’amour qui sont des pour ainsi dire « qualités inhérentes » à notre être.
Non seulement notre être et pure présence de la conscience, mais il brille et réchauffe d’une paix inconditionnelle et inconditionnée.
Cette reconnaissance de nous même ne peut être approfondie. Ce savoir-là n’est pas gradué. On ne peut pas non plus à proprement parler s’établir dans cette présence même s’il m’arrive parfois d’utiliser cette terminologie. Pourquoi ? Ce serait encore une concession à la notion du temps qui au final n’est que le concept du changement et au concept d’un individu séparé susceptible d’atteindre un état particulier.
Or ce n’est justement pas une expérience. Ce n’est rien de perceptible ni de concevable.
C’est une compréhension profonde de ce qui est, par soi-même pour soi-même et en soi-même. Il n’y a rien au-delà. La reconnaissance de soi-même est la non dualité.
Toute la manifestation apparaît au sein de cet espace de connaissance et est connue par lui et ultimement toute la manifestation est également uniquement faite de cette conscience.
Cette Conscience n’a aucune cause et est la cause ultime de toute chose.
La paix, la joie l’amour et la liberté que nous cherchions à goûter au travers de diverses expériences resplendissent dans cette simple reconnaissance.
Comme le formulait frère Laurent de la résurrection dans ses « Maximes spirituelles :
« Pas besoin d’aller à l’église pour trouver Dieu. Il suffit de trouver refuge dans la chapelle silencieuse du cœur. »
Amor Fati