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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mardi 19 janvier 2021

L'Espace n'est jamais recouvert par aucun masque ni même celui de la personne


Le mot personne provient probablement de l'étrusque phersu et du latin persona, mais déjà le mot grec prosopon désignait le masque que portaient les comédiens au théâtre antique, et aussi pour l'étrusque et le latin. Persona signifie également "per suonare" qui signifie en français pour faire résonner. Le masque est ce par quoi le son peut sonner, ce à travers quoi le Silence peut s’incarner, le Sans Forme prendre forme.

Ces masques dans la tragédie grecque donnaient l'apparence, incarnaient chaque « personnage ».
Dans le domaine du chant lyrique on parle de placer le son dans le masque qui est la région osseuse du devant du visage, le triangle entre les pommettes et le haut des incisives du haut.
Dans la Kena Upanishad, il est dit :

« Ce n’est pas ce que l’œil voit, c’est ce par quoi l’œil voit, tel est le Brahman et non cela qu’on honore comme tel. »

Comme tous les grands textes de spiritualité authentique, la Kena Upanishad nous invite à nous retourner vers la source du regard afin que l'attention reflue vers sa propre source et que la Source se révèle pleinement.

Dans la Katha Upanishad, autre Upanishad majeure, le texte nous dit :

"Parfois une âme intrépide en quête d'immortalité, s'est retournée en arrière et a découvert sa vraie nature."

Derrière le masque posé sur un autre masque, veille amoureusement l’Espace impersonnel, et atemporel comme l’atteste la photo en Vision Sans Tête prise ce matin (voir ci-dessous) en répétition scénique de la nouvelle mise en scène ou plutôt mise en forme devrais-je dire, à la symbolique iconoclaste de Aida de Verdi à l’opéra Bastille.

C’est à cet Espace que se réfère le mot « je ». Le mot « je » est celui que l’on donne à Cela qui se connaît soi-même.

Dans l'Exode de la Bible il y a ce fameux passage où Moise demande à dieu de dire qui il est :

"Moïse dit à Dieu: J'irai donc vers les enfants d'Israël, et je leur dirai: Le Dieu de vos pères m'envoie vers vous. Mais, s'ils me demandent quel est son nom, que leur répondrai-je? Dieu dit à Moïse: Je suis celui qui suis. Et il ajouta: C'est ainsi que tu répondras aux enfants d'Israël: Celui qui s'appelle "je suis" m'a envoyé vers vous. "

Dieu répond qu'il est Celui qui est, Je suis. Or chaque être humain peut aussi découvrir ce je suis en lui qui vient d'un je suis pré-verbal, d'avant le masque de la personne, de la forme et du nom.


Une chaise par contre ne se connaît pas elle-même, une fleur non plus, pas plus que la personne, qui n’est qu’un masque. Un objet dans le monde, une apparence, une forme transitoire ne peut pas dire "je".
Seul dit "je" cela qui se connaît soi-même.

La personne peut éventuellement et en apparence (car elle en réalité une expression de l'Espace) cesser d’occuper en imaginaire le centre et reprendre sa véritable place en périphérie avec les autres personnes, nos amis les animaux ainsi que toute la manifestation, pour laisser l'Espace éveillé à Lui-même se révéler pleinement.
Vous, Vous êtes derrière le masque, Vous êtes cet Espace silencieux de commentaires accueillant et embrassant la totalité de la scène et tout l’univers.
Cet Espace imprègne chaque pixel du monde. De plus aucune séparation dans l’expérience directe si Vous ne faites pas référence à la mémoire.

Même si le port du masque dans le contexte habituel peut être ressenti pour de nombreux d'entre vous comme désagréable, liberticide et injustifié, même d'un point de vue sanitaire (surtout en extérieur) et, très handicapant pour effectuer un geste vocal lyrique, il n'en demeure pas moins que c'est encore une énième occasion pour réaliser que l'Espace de >Présence que je suis réellement, ma vraie nature, ne peut être masqué ou voilé qu'en apparence.
Autrement dit, ce qui est masqué c'est mon apparence, mon visage humain, la personne, c'est à dire mon masque.

Le masque masque ne masque mais jamais l'Espace.

C'est peut-être aussi pour cette raison que j'ai cru percevoir dans certains témoignages de femmes dites voilées, de confession musulmane d'obédience stricte et islamiste, une grande joie authentique à porter le voile. Sans doute que ces femmes ne réalisaient pas que cette petite lucarne par laquelle le monde était perçu leur révélait paradoxalement la paix, la joie et l'amour de leur véritable nature.

Il en est de même pour nous, qui dans cette apparente dictature sanitaire avec ces multiples contraintes parfois ubuesques et sempiternelles contradictions, nous pouvons à tout moment retourner l'attention à 180 degrés vers l'Espace de Présence qui n'a jamais été, ne peut et ne sera jamais réellement masqué et sentir cette liberté intérieure.

Cet Espace est présent 24h sur 24 et 7 jours sur 7. Il est gratuit. C'est notre plus grand trésor. Non seulement tout l'univers apparaît et disparaît en cet Espace, mais tout est imprégné de sa seule Réalité.

Qu'est-ce qui perçoit ce texte dans l'expérience directe si vous ne faites pas référence à la mémoire ? Une tête et deux petits yeux, une personne, ou un grand ouvert, un espace transparent et éveillé à Lui-même ?

Amor fati


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