Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

lundi 10 novembre 2025

Pas de karma au sens de réincarnation d’une âme personnelle !


« Si tu souffres aujourd’hui, c’est que dans une vie passée tu as fait du mal. Si tu es riche et puissant, c’est parce que tu as accumulé du bon karma. Dans la prochaine vie, si tu continues à être obéissant et généreux, tu auras une meilleure condition. »


Voilà à quoi ressemble la version populaire du karma, telle qu’on la trouve dans les discours religieux simplifiés. Tu as un mauvais karma ? Cela veut dire que, dans une autre existence, tu as commis une faute. Tu as un bon karma ? Alors tu récoltes les fruits de tes vertus passées. Tout cela fonctionne comme un conte moral : fais le bien et tu seras récompensé, fais le mal et tu seras puni. Mais au lieu d’être ramenée à l’enfance, cette pédagogie est projetée sur plusieurs vies, avec un carnet de notes invisible qui te suit d’incarnation en incarnation.


Ce récit est séduisant parce qu’il donne une explication à la souffrance et un sens au destin. Mais il a aussi une fonction sociale évidente : il encourage à accepter sa condition, surtout lorsqu’on fait partie des classes dominées. Dans l’Inde ancienne, où la doctrine des castes organisait la société, la croyance dans le karma personnel servait d’outil de résignation : si tu es né intouchable, c’est la conséquence de tes fautes passées ; si tu es né brahmane, c’est la récompense de tes vertus. L’injustice sociale trouvait ainsi une justification cosmique.


Or, si l’on gratte un peu, ce schéma est d’une grande naïveté. Il repose sur l’idée qu’il y aurait une âme individuelle, une sorte de « petit moi éternel », qui se balade de corps en corps, accumulant ses points de mérite ou de démérite. C’est une spiritualité enfantine, utile comme récit moral, mais qui ne résiste pas à l’intuition non-duelle.


Dans les textes védiques, le mot karma ne signifie pas réincarnation. Il signifie simplement « action ». Et oui, il y a des actions, des causes et des effets dans le monde relatif. Mais transformer le karma en une dette personnelle qui s’attacherait à une âme pour traverser des existences successives suppose l’existence d’un porteur permanent. C’est précisément cette hypothèse que l’intuition non-duelle déconstruit. 


Ramana Maharshi l’exprime clairement :

« Le Soi n’a ni karma, ni naissance, ni mort. Ce sont les notions de l’ego. Quand l’ego disparaît, le karma disparaît avec lui. » (Talks n°146)


Autrement dit, le karma n’a de sens que pour l’ego. Tant que l’on croit être une personne qui agit, il semble naturel de croire aussi que cette personne récolte les fruits de ses actes. Mais lorsque l’ego se dissout, il devient clair qu’il n’y a jamais eu d’acteur. L’action se produit, la conscience l’éclaire, mais il n’y a personne derrière pour la posséder.


Nisargadatta Maharaj est encore plus radical :

« L’idée même de réincarnation repose sur une erreur fondamentale : celle de croire qu’il y a un “moi” qui persiste d’une vie à l’autre. Mais ce “moi” est un mirage. Ce qui est réel n’a pas de naissance. » (I Am That, dialogue 45)


Ce que ces maîtres disent, c’est que la réincarnation est une hypothèse pédagogique. Elle peut encourager à une conduite éthique, mais elle n’est pas une vérité ultime. Il n’y a jamais eu de voyageur. Il n’y a pas de substance personnelle qui se déplace de vie en vie.


D’autres traditions ont pourtant imaginé quelque chose de semblable.

Dans le bouddhisme, on parle de renaissance, mais pas d’une âme qui transmigre. Il s’agit plutôt de la continuité d’un processus conditionné, comme une flamme qui en allume une autre. Pas d’entité permanente qui se balade.

Dans le platonisme, on retrouve l’idée d’une âme immortelle qui survit et se souvient de ses vies antérieures (cf. le mythe d’Er). Mais l’intuition non-duelle rend évidente la fausseté de ce schéma : ce qui est immortel n’est pas une personne, mais la conscience elle-même.

Dans certaines formes de gnose, on parle d’une étincelle divine prisonnière de la matière, qu’il faut libérer pour qu’elle retourne à sa source. Mais là encore, l’intuition non-duelle montre que l’idée d’une parcelle séparée à délivrer est illusoire.


Les Écritures indiennes vont dans le même sens. L’Ashtavakra Gītā affirme :

« Tu n’es ni l’acteur, ni celui qui jouit des fruits de l’action. Tu es pure conscience, libre de tout attachement. » (1.4)


La Katha Upanishad déclare :

« Le Soi n’est ni né, ni ne meurt ; il ne vient pas à l’existence. Non né, éternel, il ne meurt pas quand le corps meurt. » (2.18)


Et Ramana résumait cela dans la doctrine d’ajāta vāda, la non-naissance :

« Il n’y a jamais eu de monde, jamais eu de naissance, jamais eu d’ignorance. Ce que tu es, est ce que tu as toujours été. » (Talks n°28)


On comprend alors que le karma, pris au sens de loi impersonnelle de cause et d’effet, peut décrire le fonctionnement du monde relatif. Mais le karma compris comme transmigration d’une âme est une simplification destinée à nourrir l’ego et, souvent, à maintenir un ordre social.


Pour le chercheur, la différence est décisive. La croyance en la réincarnation personnelle transforme la spiritualité en une gestion de bilan : purifier, accumuler, préparer la prochaine vie. C’est une vision utilitaire, rassurante, mais qui entretient l’illusion d’un moi à sauver. L’intuition non-duelle, elle, montre que cette âme séparée n’a jamais existé.


Ce que tu es n’est pas un être en devenir. Ce que tu es n’a pas de passé à porter, pas de futur à préparer. Le karma appartient au rêve, mais tu n’es pas dans ce rêve. Tu es la lumière même dans laquelle ce rêve apparaît et disparaît.

dimanche 9 novembre 2025

Les deux mouvements de la quête du Soi

 


Sur le chemin de l’éveil à ta véritable nature, il y a deux mouvements qu’il est essentiel de discerner. Le premier émerge des profondeurs de l’être. C’est un appel silencieux, un désir sincère et pur, qui ne vient pas du mental mais d’une intuition intime. Quelque chose en nous sait qu’il y a autre chose à découvrir, ou plutôt à cesser de recouvrir. Quelque chose de plus vaste, de plus vrai, qui échappe aux limites du connu et des formes. C’est une résonance subtile, une vibration de reconnaissance, qui surgit quand l’enseignement non-duel résonne vraiment, et que l’attention se relâche dans sa source pour mieux la révéler. Ce pressentiment est sain et saint, il est la graine de l’éveil. C’est lui qui nous pousse à venir en Satsang, à nous asseoir en silence, à écouter, à méditer. Il est le moteur sacré de toute quête authentique. Il est ce que désigne le deuxième logion de l’Évangile de Thomas lorsque Jésus dit : « Que celui qui cherche ne cesse de chercher jusqu’à ce qu’il ait trouvé, et quand il aura trouvé, il sera troublé, et lorsqu’il sera troublé, il s’émerveillera, et il régnera sur le Tout. »


En parallèle à cette impulsion authentique, il existe un autre mouvement, plus subtil et souvent confondu avec le premier. Celui-ci provient du mental. C’est la recherche du moi, du personnage, de l’ego spirituel. Il veut comprendre pour saisir, accumuler pour atteindre, posséder pour se rassurer. Il croit que ce qu’il cherche se trouve ailleurs qu’ici, plus tard que maintenant. Il transforme l’appel de l’être en un projet personnel, et le mystère vivant de l’éveil en une ambition spirituelle. Il se nourrit d’idées, de lectures, d’expériences passées ou espérées. Il se compare, se juge, s’auto-évalue. Il veut devenir un individu rare, éveillé, exceptionnel. Il cherche à s’approprier la connaissance pour la tourner à son profit, et finit par transformer la noblesse de la recherche de l’être en une sorte de développement personnel raffiné. Ce mouvement-là, bien qu’en apparence spirituel, renforce subtilement la croyance en la séparation.


Il y a donc une différence immense entre ces deux élans, même si elle peut paraître subtile et difficile à discerner au début. L’un naît du silence, l’autre du bruit intérieur. L’un repose sur la confiance, l’autre sur le manque. L’un s’abandonne, l’autre veut contrôler. Parfois, l’ego spirituel se déguise si bien qu’il emprunte les mots de la sagesse, parle de lâcher-prise,  répète en boucle « il n’y personne » (que ceux qui ont des oreilles entendent…)  cite les maîtres, tout en cherchant encore à obtenir quelque chose pour lui-même. Il y a là comme une ombre, un angle mort, un biais cognitif qui nous fait croire que nous progressons, alors que nous tournons en rond autour du moi. Mais plus la présence s’approfondit, plus la lucidité devient fine, plus le discernement se fait naturel.


Alors, comment reconnaître ces deux mouvements ? Chaque fois qu’une pensée évoque le passé ou le futur, c’est le mental. Chaque fois qu’un sentiment de manque, d’attente, de peur ou de désir apparaît, c’est le petit moi. Il veut remplir un vide, se rassurer, retrouver une sécurité imaginaire. Il veut obtenir une expérience particulière, comme une extase, une lumière, un signe. À ce moment-là, il suffit de constater cela, simplement, sans le juger. Vous voyez ce mouvement qui veut saisir quelque chose, qui veut ajouter, obtenir ou comprendre. Vous le voyez, et vous ne touchez pas. Vous laissez ce mouvement apparaître et disparaître de lui-même, comme une vague se fond dans l’océan.


La clé, c’est de ne rien faire. De laisser le moment présent accueillir ce qui se déroule, sans commentaire, sans volonté de changer quoi que ce soit. Tout ce qui se présente à la conscience est exactement ce qui doit apparaître. Vous pensez ce que vous pensez, vous sentez ce que vous sentez, vous entendez ce que vous entendez. Et c’est suffisant. Vous laissez les émotions, les sensations, les pensées se déployer, se transformer, se dissoudre. Parfois surgiront la tristesse, la colère, la honte ou la culpabilité. D’autres fois, la joie, la paix, la félicité. Dans les deux cas, la conscience en est témoin. Vous êtes conscient de la colère, conscient de la félicité, conscient de la paix comme de la tempête. Mais vous n’êtes ni l’une ni l’autre. Vous êtes ce dans quoi elles apparaissent et disparaissent. Le fait d’être conscient est ce qu’il y a de plus constant. C’est le dénominateur commun de toute expérience, la substance même de ce que vous êtes.


Si quelque chose de désagréable monte, vous ne le repoussez pas. Vous le laissez être. C’est la perfection divine qui s’accomplit sous cette forme. C’est le sans-forme prenant forme, et vous êtes ce sans-forme. Vous êtes attentif au moindre mouvement d’attente, d’anticipation ou d’espoir d’un futur plus lumineux que maintenant. Dès que ce mouvement apparaît, vous le voyez pour ce qu’il est : une pensée, une image, une vague. Et vous restez tranquille, sans la nourrir. Tout ce qui surgit, vous le laissez se fondre dans l’immensité d’où cela vient, comme un glaçon fond dans l’eau. Vous êtes cette eau, cette présence sans effort. Et peu à peu, sans qu’il n’y ait rien à faire, l’unité tant cherchée se révèle comme ayant toujours été là.


Alors, inévitablement, le mental reviendra. Il tentera peut-être de récupérer l’expérience en disant : « Voilà, maintenant je suis dans la paix », ou bien : « Je dois continuer à pratiquer ceci, faire cela pour rester centré. » Mais voyez : c’est encore un mouvement de saisie, une tentative subtile de transformer la grâce en méthode, l’être en devenir. Même cela, vous le laissez passer. Vous n’y touchez pas. Vous laissez cette pensée se dissoudre comme une bulle à la surface de l’eau. Car ce que vous êtes n’a pas besoin d’être entretenu ; cela est, simplement. La véritable pratique est une non-pratique : c’est demeurer là où rien n’est à obtenir, là où il n’y a plus de « quelqu’un » pour atteindre quoi que ce soit. Lorsque surgit le sentiment de devoir faire quelque chose, ou l’idée qu’il manque encore un pas, laissez ce mouvement se déposer dans le silence. Ce silence, c’est vous. Rien à poursuivre, rien à retenir. Ce qui est suffit et révèle le bonheur que nous sommes déjà.

mardi 4 novembre 2025

Stage de WE à Genève le 15/16 Novembre chez Sandrine

 


VIVRE L’ÉVEIL AU QUOTIDIEN

Dan revient sur Genève partager avec nous, en amont de tout imaginaire, la Présence non-duelle que nous sommes.

2 jours chez Sandrine qui nous accueille dans un lieu propice à laisser se dissoudre les fausses croyances,

s’éveiller au rêve, s’étonner d’être...

En constatant que, dans l'expérience directe, il n'y a jamais de séparation, toute tentative d’appropriation et peur psychologique s'effondrent.

En réalisant que toute expérience est une expression de moi-même, je réalise que je suis déjà la paix et le bonheur que je cherche.

L’éveil spirituel, contrairement à ce que l’on a voulu nous le faire croire, n’est pas dévolu à une caste de héros extraordinaires.

C’est notre état naturel.

Nous avons simplement été mal informés et inattentifs à ce qui est trop proche, trop simple.

Pour que cela ne soit pas une simple compréhension intellectuelle, mais une expérience vivante qui embrase tout votre être,

je vous propose un voyage de retour vers ce que vous êtes vraiment pour répondre à la question qui suis-je ?

Ce partage se déclinera au travers d’investigations directes et d’expériences simples, vous permettant de confronter ce que vous croyez avec ce que vous voyez.

La croyance en un moi personnel et séparé se dissout d'elle-même, sans effort, par la simple exposition réitérée de sa nature illusoire et/ou le senti des impressions de séparation

qu'elle a engendrée dans le corps sous forme de fixations et de tensions inutiles.

Toute résistance à ce qui est se dévoile alors, paradoxalement, comme étant la porte la plus directe vers nous-mêmes.

Nous constatons que la Réalisation impersonnelle de notre vraie nature est d'une simplicité déconcertante.

Elle ne dépend d'aucune circonstance ou expérience particulières, et est

toujours disponible Ici et Maintenant

en chacun de nous.

Dan sera Présent tout du long avec nous et durant les pauses

il sera disponible à des questions personnelles et à des soins énergétiques

Samedi 15novembre

10h - 13h 14h30 - 18h

Dimanche 16 novembre

9h30 - 13h 14h30 -17h00

REPAS DE MIDI végétarien

chacun apporte quelque chose à partager si il en a l’élan

Blog :

eclore-en-conscience.blogspot.fr

Vidéos :

https://www.youtube.com/watch?v=x6msdIG9tQc&t=4s&ab_channel=DanSpeerschneider

https://www.youtube.com/watch?v=EEGCf6zV8RQ&t=4s&ab_channel=DanSpeerschneider

https://www.youtube.com/watch?v=7rIFlBKis70&t=55s&ab_channel=DanSpeerschneider

INSCRIPTIONS

uniquement à

Dan Speerschneider

mail : adnnn1967@gmail.com

210 Frs pour les 2 jours

Nous ne demanderons pas d‘acomptes mais faisons confiance à votre présence après inscription!

Vous êtes invités à participer à tout le week-end.

Si problèmes financiers me contacter pour un arrangement

ADRESSE

Chez Sandrine Pillon

150 rte de SAINT-JULIEN

1228 Plan-Les-Ouates

-GENÈVE-

Possibilité de se parquer dans la cour

Parking en face, derrière la fontaine à côté de la banque Raiffeisen

et sur le chemin de la Butte

Bus 80 et 82 arrêt Mairie Plan-Les-Ouates à 2 mn

Tram 12 - arrêt Trèfle Blanc, puis 10 minutes à pied

Le Léman Express au BACHET à 12 mn à pied

Possibilité d’hébergement pour ceux qui habitent à plus de 45 mn.

contacter: pillonsandrine@gmail.com


Qu’est-ce que le Bouddha ?

 


Un moine demanda à Maître Yunmen ce qu’était le Bouddha, et Yunmen répondit : « Un poing de millet. » 

À première vue, cette réponse peut sembler absurde, presque déconcertante, et c’est précisément son intention. Elle ne fournit aucune définition intellectuelle, aucun concept à retenir, mais elle frappe directement l’esprit du moine pour le pousser au-delà de la pensée dualiste. Le « poing de millet » ne désigne rien de concret à saisir ; il symbolise la spontanéité et l’immédiateté de l’expérience éveillée, la réalité qui se manifeste ici et maintenant, telle qu’elle est, sans filtre ni interprétation. L’enseignement sous-jacent est que chercher à comprendre ou à expliquer le Bouddha par des mots ou des idées ne conduit qu’à la confusion. La pratique consiste à abandonner les raisonnements, les jugements et les comparaisons, à déposer toutes les attentes de savoir ou de certitude, et à se confronter directement au flux de l’existence. Dans ce face-à-face avec le moment présent, la réalité se révèle telle qu’elle est, et l’esprit peut s’ouvrir à une clarté et une liberté qui dépassent toute conceptualisation. C’est dans cette immersion immédiate, dans cette attention pure et non médiée, que se manifeste l’éveil véritable.


lundi 3 novembre 2025

Pas de créateur ni de création dans la perspective non duelle

 


Dans la perspective non duelle, la question du créateur n’a pas de sens véritable. Elle appartient à l’esprit qui se pense séparé, à la conscience qui cherche à expliquer le monde comme s’il lui était extérieur. Lorsque quelqu’un demanda au Bouddha : « Qui a créé cet univers ? », il sourit. Ce sourire n’était pas ironique ni évasif. Il venait du silence de celui qui voit. Car pour celui qui voit, il n’y a jamais eu de commencement, pas plus qu’il n’y aura de fin. L’univers n’a pas été créé une fois pour toutes. Il naît à chaque instant, dans le simple fait d’être perçu

Le mental, lui, ne peut s’en contenter. Il veut un récit, une origine, un auteur. Il a besoin d’un point fixe autour duquel ordonner le chaos apparent. Mais cette quête d’un créateur repose sur l’oubli de ce que nous sommes déjà. L’esprit séparé pose la question, mais c’est la séparation elle-même qui en est la cause. Celui qui s’éveille ne se demande plus « qui » a fait le monde, car il reconnaît que la question suppose un dehors, et ce dehors n’existe pas

Dans la clarté de la présence, tout se déploie spontanément. Rien n’est produit par autre chose, car il n’y a pas deux. Le souffle, la lumière, le son, la pensée, tout apparaît comme une seule et même manifestation du vivant. Dire qu’il y a un créateur serait encore introduire une distance entre la source et la création, entre l’origine et ce qui en découle. Mais ici, il n’y a pas de séparation. La source est la manifestation, et la manifestation est la source. C’est le même mouvement sans début ni fin, une seule respiration.

La tradition védantine l’exprime en disant : « Brahman est sans cause et sans effet, sans commencement et sans fin » (Mundaka Upanishad, II.1.2). Nisargadatta Maharaj disait simplement : « Le monde apparaît dans la conscience, comme la vague apparaît sur l’océan. Il n’a pas d’existence séparée. » Et Maître Eckhart, au cœur de la mystique chrétienne, affirmait : « Dieu crée le monde tout entier, entièrement, à chaque instant. » Cette parole, loin de désigner un acte originel, montre que la création est un éternel présent. Ce n’est pas qu’il y ait eu un commencement, mais que tout commence sans cesse.

Dans son sermon 5b, Eckhart ajoute : « Si l’on avait demandé à la vie depuis mille ans pourquoi vis-tu, elle aurait répondu : je vis parce que je vis. » Il commente ainsi que la vie vit depuis son propre fond, sans raison, sans but, sans dépendance. La vie est sans pourquoi. Cette intuition se retrouve un peu plus tard chez Angélus Silesius, dans Le Voyageur chérubinique, lorsqu’il écrit : « La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit, elle ne se soucie pas d’elle-même, ne demande pas qu’on la regarde. »

Ces paroles résonnent comme un écho direct de la vision non duelle. Ce qui est, est. L’existence n’a pas besoin d’explication ni de cause. Elle s’épanouit de son propre fond, libre de toute finalité. Même le tout premier verset de la Genèse, souvent traduit par « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre », peut se lire autrement. En hébreu, Bereshit bara Elohim peut se comprendre comme « Par le commencement, Dieu crée », ou encore « Dans le principe de commencement, le divin se déploie ». Ce n’est donc pas un événement passé, mais un mouvement toujours en cours, une émanation perpétuelle du réel.

Ce que la Bible appelle création, le Bouddha l’aurait nommé apparition conditionnée, et le Vedanta, jeu de Māyā. Trois langages pour désigner un même mystère : il n’y a pas eu de créateur, il n’y a que la création qui se crée elle-même dans l’instant où elle est vue.

Regarder cela sans chercher d’auteur ni d’origine, c’est entrer dans le silence dont le Bouddha souriait. Ce silence est la réponse. Il n’y a rien à savoir, seulement à être.


vendredi 31 octobre 2025

Je suis l’Absolu

 


Cette méditation explore la voie cataphatique, la voie de l’affirmation. Elle s’inspire de l’invitation d’Adi Shankaracharya à prononcer le mantra « Je suis Brahman », c’est-à-dire « Je suis l’Absolu ». Paradoxalement, celui qu’on considère comme l’un des pères de la voie apophatique, celle du « neti neti » — ni ceci ni cela —, nous rappelle que la seule affirmation juste est celle de notre nature véritable.


Dire « Je suis l’Absolu » n’est pas un acte de pensée, mais un retour au Verbe originel, celui dont parle le commencement de la Bible : « Au commencement était le Verbe. » Ce Verbe n’est pas celui de la tête, mais celui du cœur, cette parole silencieuse où toute séparation s’efface.


Cette méditation invite à laisser résonner ce Verbe intérieur, non pour affirmer quelque chose, mais pour s’ouvrir à ce qui est déjà là, avant toute parole : l’Absolu même.


vendredi 24 octobre 2025

Qui est Dieu ?

 


Depuis toujours, l’homme cherche à nommer l’inconnaissable. Dans la tradition islamique, Dieu est qualifié par 99 noms, chacun reflétant un attribut, une qualité, un aspect de sa manifestation. Miséricordieux, Sage, Juste, Protecteur, Créateur, Sustentateur, le Très-Haut, le Pacifique, le Pardonneur, le Bienfaiteur, le Tout-Sachant, le Guide, le Pur… Ces noms permettent de saisir quelque chose de l’infini, de se rapprocher d’une compréhension humaine. Et pourtant, il y a un paradoxe : Dieu est effectivement tout cela et bien plus, mais en vérité, Il n’est aucun de ces noms. Chaque nom est une couleur sur la palette, mais la lumière qui les éclaire est invisible. Chaque attribut est une vague sur l’océan, mais l’océan ne se réduit jamais à la vague.


Dans la tradition islamique, ces 99 noms, appelés Asma’ Allah al-Husna, trouvent leur origine dans le Coran et dans un hadith authentique rapporté par Muslim, où le Prophète Muhammad dit : « Dieu possède 99 noms. Celui qui les connaît et les récite entrera au Paradis. » Ces noms ne sont pas seulement des titres, ils représentent des aspects de la réalité divine et des manières d’entrer en relation avec l’infini. Mais le Coran et la théologie islamique insistent sur le fait que Dieu transcende ces attributs. Chaque nom est une fenêtre sur l’infini, mais ne le contient jamais totalement. Les mystiques soufis, comme Ibn Arabi ou Al-Ghazali, parlent de l’unité essentielle de l’être qui sous-tend tous les attributs. Ce que nous nommons, contemplons ou ressentons à travers ces noms reste un reflet de l’Être ultime et non l’Être lui-même.


C’est la voie kataphatique (du grec kataphatikos, affirmatif, qui vient de kataphasis, « affirmation »), une voie affirmative qui tente de décrire ou nommer Dieu à travers ses attributs. Elle nous permet de contempler Dieu et de nous rapprocher de Lui, mais elle nous égare également de façon subtile. Car cette affirmation, aussi puissante qu’elle soit, ne peut contenir l’essence de Dieu ni exprimer pleinement sa réalité. Avant les attributs, avant les qualités, avant la couleur et la forme, Dieu est. Dieu est dans le silence, dans l’être pur, dans le simple fait de « Je suis ». Ce « Je suis » sous-tend toutes les manifestations, toutes les expériences, toutes les nuances, et reste toujours transparent, immuable, au-delà de toute définition.


C’est comme la lumière avant les couleurs, l’écran avant le film, l’océan avant la vague, la feuille blanche avant le roman. C’est la présence immédiate, ici et maintenant, que nous sommes tous capables de reconnaître si nous cessons de nous perdre dans la recherche des formes. Wei Wu Wei parlait de ce « secret ouvert » : il est là, visible et pourtant invisible, connu et pourtant inatteignable par le mental.


Se reconnecter à cette essence, à ce « Je suis », c’est se reconnecter à notre vraie nature et au bonheur véritable. Car le bonheur n’est pas une chose que l’on obtient, il n’est pas un objet, il n’est pas une couleur parmi d’autres. Le bonheur est la reconnaissance de ce que nous sommes déjà, au-delà des désirs, des attentes et des noms. Il est l’évidence de notre nature, le silence qui soutient toutes les vagues, la lumière qui précède toutes les couleurs.


Et derrière la multiplicité des noms, il n’y a en réalité qu’un seul Nom. Les 99 attributs ne sont que des reflets de l’unique source. Car Dieu ne porte qu’un seul nom, celui qu’il se donne lui-même. Lorsque Moïse lui demande : « Qui es-tu ? », la réponse traverse les siècles : « Je suis celui qui est. » C’est le Nom avant tous les noms, la parole avant toute parole, la présence pure qui ne dépend de rien. Dans ce « Je suis » se dissolvent toutes les images de Dieu, toutes les définitions, toutes les prières cherchant un ailleurs. Ce n’est plus un concept à comprendre, mais une évidence à reconnaître en nous mêmes ici maintenant. 

Comment ? En te posant simplement cette question fatidique : suis-je en train d’être ?

Pose toi cette question jusqu’à ce que la réponse oui affleure avec évidence : oui Je suis, Je suis en train d’être, je suis conscient d’être conscient. Car cette connaissance qui est une simple reconnaissance est l’alpha et l’oméga de la recherche spirituelle. 

Et cette reconnaissance nous établit dans la paix, la plénitude et l’amour que nous cherchons dans le monde et les expériences.