Que ta volonté soit faite
"Qua ta volonté soit faite". Voilà la phrase clé de la prière du Notre Père. Je dirais même ces mots sont l'essence même de la spiritualité. Si l'on retenait simplement cette phrase au plus profond de son cœur et qu'on se la faisait sienne en toute occasion et en toute expérience, qu'on la ressentait pleinement, on pourrait aisément oublier l'Ancien testament, les Evangiles et tous les autres textes sacrées.
Ici il ne faut évidemment pas entendre Volonté dans le sens individuel où quelqu'un pourrait avoir le choix de vouloir ceci ou cela, c'est à dire une personne humaine ou divine dotée de libre arbitre. La Volonté suprême est ici le symbole de ce qui est, de la Vie telle qu'elle se manifeste et se crée à chaque instant dans la Conscience et qui ne pourrait pas être autrement que ce qu'elle est.
Or la plupart des gens qui récitent "Le Notre Père" passent totalement à côté de cette parole essentielle et associent à cette acceptation totale de ce qui est ("que ta Volonté soit faite"), les demandes incluses par ailleurs dans cette prière, enseignée par le Christ ("donnez nous notre pain quotidien" ou encore "ne nous soumettez pas à la tentation"…) ou encore une demande personnelle ("accordez moi la santé", l"a réussite pour mes enfants", "un mariage heureux"…), en introduction à cette prière.
Un zeste de non dualité noyé dans une profusion de demandes exotiques et égotiques ! "Que ta Volonté soit faite" est une phrase couperet, absolue, qui ne prend son véritable sens que lorsque l'on la laisse résonner complètement sans contrepartie et sans contrepoint. La réalité est la réalité à 100 % et pas à 60, 80 voire même 99 %. Ainsi, si vous voulez éprouver la puissance et la beauté de cette phrase vous devez vous y soumettre non pas beaucoup mais entièrement. Vous devez vous soumettre à 100 % à ce qui est. Ce n'est pas pour rien que le mot Islam signifie "soumission". Ce mot a mauvaise presse et résonne au travers des filtres égotiques comme une perte de notre pouvoir personnel. Ce qui est vrai, mais le mental ne peut penser sa propre impuissance. Il faut surtout que ce qui est important avec la soumission, ce n'est pas ce à quoi on se soumet mais l'acte de se soumettre soi-même. En réalité cette soumission est une soumission à ce qui est, un "amor fati". C'est juste une reconnaissance implicite que la volonté personnelle est une illusion. C'est un grand Oui à tout ce qui se présente. Ce n'est jamais la personne qui dit Oui. C'est la vie en vous qui se reconnaissant elle-même dit oui à ce qui se déploie en elle. Ce n'est pas un concept ni même quelque chose que vous pourriez faire ou non. Car avant même que le mental fabrique une pensée à ce propos, la soumission a déjà eu lieu. La soumission est simplement ce constat : la reconnaissance qu'avant même de se définir comme une entité séparée, la Présence consciente est, quelle que soit le commentaire, le jugement, la comparaison, la condamnation ou la justification qui ne sont que surtitrages.
"Que ta volonté soit faite" signifie donc que je renonce au fantasme d'une volonté personnelle qui pourrait vouloir autre chose que ce qui est. Je reconnais que l'idée d'un moi séparé de son environnement, l'idée d'être une entité personnelle côté de libre arbitre, l'idée qu'il y ait un penseur pensant les pensées ne sont que des images, des pensées, c'est à dire des perceptions et non pas la réalité vivante de ce que je suis.
En faisant mienne cette parole, je reconnais par là même mon impuissance à savoir ce qui est mieux pour moi, les autres et le monde, je reconnais qu'au plus profond de moi "je ne sais pas" ce qui devrait être, et j'accepte et remercie pour ce qui est. Je reconnais que tout est parfait tel que c'est, car je vois dans l'expérience directe qu'il n'y a pas de séparation entre la vie et ce que je suis. Ce que je suis vraiment, c'est la Vie. Mon identité personnelle, c'est à dire mon prénom et mon histoire, le caractère, cette bibliothèque d'images et de mémoires diverses, de préférences, apparaît toujours dans cette Présence consciente que je suis et que je n'ai jamais cessé d'être. Je suis la vie. Lorsque cela est réalisé, il est vu que j'ai toujours été la vie, même lorsque je me prenais pour quelqu'un de séparé confondant prière véritable qui est célébration avec la prière fantaisiste basée sur une demande.
L'humilité apparaît lorsque je vois à quel point je suis orgueilleux. L'humilité émerge à chaque fois que je me surprends à prétendre savoir quelque chose, posséder quelque chose ou me prétendre être quelque chose. La définition généralement admise de l'humilité est "un trait de caractère d'un individu qui se voit de façon réaliste" (wikipédia). La véritable humilité n'est pas cela.
La véritable humilité c'est l'Espace (Présence consciente) dans lequel apparaissent les traits de caractère. L'humilité c'est le regard sans personne. Il n'y a jamais personne d'humble. Chaque Instant est sacré en ce qu'il est possible de prendre conscience seulement par la fenêtre de l'Instant de ma prétendue volonté personnelle, de mon sérieux à propos de quelque chose, de mon appropriation de ce qui arrive, de ce qui est fait ou de ce qui est pensé. Quand il est clair que tout arrive mais que cela n'arrive à personne l'humilité apparait.
L'humilité est la non chose qui voit les autres choses. Le pur regard sans personne est l'humilité. Chacun de nous portons au fond de nous la nostalgie ou le pressentiment d'être cette humilité. Ne pas le reconnaître est notre chemin de croix, notre souffrance. Chaque fois que nous demandons, exigeons quelque chose de la vie, que nous souhaitons que les choses soient différentes de ce qu'elles sont, nous nous éloignons de notre véritable nature qui est Présence Consciente. Chaque fois que nous prenons conscience de notre agitation et de notre vouloir personnel et que nous pensons savoir ce qui est mieux pour nous, les autres ou le monde, nous redevenons intimes avec nous-mêmes.
De même lorsqu'en notre cœur nous disons "Que ta volonté soit faite", la véritable liberté apparaît. Car la liberté n'est pas dans les choses ou dans les expériences mais dans la reconnaissance que je suis l'Espace conscient dans lequel les choses et les expériences naissent et meurent.
Ainsi si vous voulez prier, priez pour célébrer et non pour demander. Que votre prière accorde ce que vous voulez avec ce qui est. La prière désormais n'est plus une demande personnelle mais une reconnaissance de notre essence impersonnelle, inaltérable et Une, un chant de reconnaissance de ce qui est, un remerciement.
S'incliner devant ce qui est, plutôt qu'au pied d'un idéal, n'est pas nécessairement facile, mais quelles que soient les difficultés, c'est l'une des pratiques les plus utiles et louables". Jack Kornfield, "Après l'extase la lessive".
Je vous invite à jouer : Inventez votre propre prière, votre propre mantra qui s'accorde pour vous le mieux en mots avec ce qui est. Une prière qui ne soit pas une demande mais une célébration. Laissez venir à vous les mots qui pour vous expriment avec le plus de simplicité cette évidence que tout est Un.
J'aime beaucoup : "Je suis"
"Je suis ce en quoi "je suis" apparait et disparait".
"Je suis ce en quoi "je suis" apparait et disparait".
"Je suis la Vie"
"Je suis ce que je cherche"
"Je suis source de tout ce qui est"
"Conscience est tout ce qui est"
"Amor fati" (Amour des faits, de ce qui est)
Si le cœur vois en dit, envoyez-moi les paroles qui vous inspirent et je les publierais avec grand plaisir sur le blog...
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