La réalisation définitive
(Extrit d'Interview réalisé en 2016)
En fait, cette
expérience extraordinaire que tu as vécu en 1998 que tu viens de décrire, avait
toutes les apparences d’une expérience d’éveil, mais tu sous-entends que ce
n’est pas le véritable éveil ?
Le véritable éveil,
que je préfère appeler réalisation, c’est justement réaliser que je suis ce qui
ne change pas. Or, si l’extase et le sentiment d’union avec tout diminue et
qu’en conséquence tu te sens soudain diminué, que peut-on en déduire ?
Que le
« Je » véritable, le Je qui se réfère à être, le Je impersonnel de
« Je suis » est encore identifié à une expérience, ou à un corps
mental qui semble dépendre de certaines expériences. Il y avait encore la
croyance que cette histoire, incroyable à certains égards, c’est vrai, appartenait
à quelqu’un.
Voilà pourquoi tout
ce dont je viens de parler n'a au fond aucun intérêt.
Tu exagères !
Non, je le pense
sincèrement.
De toute façon :
"Après l’extase la lessive" comme le dit de façon assez éloquente le
titre d’un beau livre de Jack Kornfield.
Et que-est que ça signifie ? Peux-tu
me traduire s'il te plait ?
Ce qui signifie que
dans l'expérience d'éveil qui a un début et une fin, tout ce qui était voilé
par le shoot de l’extase réapparait soudain à la surface lorsque l'on retombe
de son nuage et, que l'on doit à nouveau se coltiner le quotidien.
La lessive, c’est
le moment auspicieux pour accueillir tout ce qui n’avait pas été accueilli,
toute la poussière qu’on avait balayé sous le tapis pendant l'extase dans sa
grotte.
Notamment la
subtile récupération de ce qui a été vécu par un nouveau moi imaginaire. Et,
qui maintenant peut en faire une histoire extraordinaire.
C’est ce qu’on
appelle l’égo spirituel. Une expérience d’illumination est vécue mais à un
moment donné, il semble qu’un moi supérieur, plus sage, qui sait, s’attribue
les mérites de cette expérience. L’illumination n’est pas forcément la
libération. Par libération, j’entends la libération définitive de l’idée d’être
une entité séparée.
Le véritable éveil, il est réalisé qu’il n’y a pas de séparation entre le sacré et le profane, entre l’éveil et le non éveil.
J’imagine que ça n’a pas dû être évident
de sortir de ce piège ?
Par chance, j’avais
une confiance absolue en mon maître Fredéric Moreau. C’est dans ces moments-là
quel l'on mesure l’importance d’avoir à ses côtés un ami impersonnel, qui
pointe au travers de nos prétentions à savoir, vers ce que nous sommes
vraiment. Lorsqu’il m’a dit bien plus tard que ce n’était pas la véritable
réalisation, je ne pouvais que constater que je m’étais égaré sur un chemin
pavé de bonnes intentions.
J’ai également été
très touché également par le tantrisme shivaïte du cachemire et notamment par
la reformulation originale d'Éric Baret, ses livres, sa simplicité, son
intelligence, son humilité, son humour noir et jubilatoire et surtout ce yoga
incroyablement créatif, à nul autre pareil, qui me faisait vivre dans le
ressenti et avec évidence ce que je pressentais en le lisant.
Puis de fil en
aiguille comme on dit, je suis arrivé au bout de l'entonnoir. Et, il y a eu la
rencontre incroyable avec le livre « Je suis » , de Sri Maharaj
Nisargadatta.
Soudain je me suis
rendu compte que durant toutes ces années j’avais simplement regardé dans la
mauvaise direction. En lisant Nisargadatta, ça a percuté comme un uppercut.
C'était direct. D'ailleurs on appelle ça la voie directe.
Je me suis
rendu compte que dans toute tradition authentique, il y avait cette même
invitation incessante à revenir vers la source du regard ou la source de la
perception en amont des pensées et simplement être.
Ainsi, après de
longues années à jouer avec les sensations pour finalement en devenir le jouet,
je me suis rendu compte que la clé était dans un changement révolutionnaire de
regard, le retournement de l’attention vers la source même de l’attention.
Que se
passe-t-il à ce moment là pour toi ?
Il y a une pratique
constante pendant trois ans du "neti neti". Je ne suis pas le corps,
ni le mental, ni ceci ni cela. C'était une pratique systématique menée avec
toute pensée, imaginaire, sensation, émotion, imagination, désir, peur,
quasiment en continu.
Il y avait
également un constant retour au "je suis" comme le préconisait
Nisargadatta et mon maître. Dés que le mental était libéré des
occupations journalières, je m'asseyais et revenais au "je suis"
pré-verbal et m'y absorbais de plus en plus profondément, parfois pendant des
heures entières, des jours entiers.
Je me souviens
qu'un mantra qui résumait l'invitation de Nisargadatta me revenait constamment
: "Je suis ce en quoi "Je suis" apparaît et disparaît !"
Il y a aussi une
pratique concomitante et constante de la Vision sans Tête qui se faisait en
toute circonstance. En marchant, en parlant, en vélo, sur scène ou en
répétition en chantant, au cours de toutes les tâches du quotidien, je revenais
à l'espace sans tête, pour réaliser l'absence d'observateur personnel, que tout
apparaissait en Moi et en tant que Moi, Moi en tant que cet Espace impersonnel.
Sans séparation je veux dire.
Je ne voulais que
ça. Jusqu'à ce que ce vouloir s'épuise de lui-même.
Et puis, soudain,
c'est la fin du chemin spirituel. L'atemporelle présence se révèle comme étant
l'Unique.
C’est comme une
disparition totale. Mais au final c’était également ce qui avait eu lieu en
1998. Et à plein d’autres reprises aussi. Donc, finalement ce qui changé c’est
simplement que l’idée et le sentiment d’être quelqu’un de séparé n’est plus
crue. Et, ce de façon irrévocable et définitive. Il y avait reconnaissance.
Et, comment être
sûr que c'est la fin définitive du moi ?
C'est d'une telle évidence.
C’est vraiment comme lorsqu’un enfant d’un certain âge, prêt à accepter
l’irréalité du père noël, tire enfin sur sa barbe. Il n’est plus possible de
revenir en arrière et d'y croire à nouveau.
C’est tellement
simple et évident lorsque ça se révèle que c’est presque embarrassant. Pas de
visions ni d’extase. Pas de trompettes ou de tambours. Juste un doux sourire de
reconnaissance. Comme le démantèlement d’un tour de magie.
Une sorte de
« ah c’est comme ça que ça marche" ! Une clarté absolue, une lucidité
au cœur du rêve.
Et que réalises-tu à ce moment là ?
Ce sont de bonnes
nouvelles. C’est le sens du mot évangile. C’est la fin d’une illusion. Je me
suis rendu compte que j’avais fait tant d’efforts pour maintenir et protéger
une entité inexistante. Là, c’est la fin des efforts. C’est une détente
extraordinaire. Il est réalisé qu’il n’y a jamais eu de moi séparé, auteur des
pensées et des actes, ni de choix personnel.
Ce que je suis
vraiment est totalement atemporel, hors du temps et de l'espace. Je ne suis
jamais né, ne mourrais jamais, n'ai jamais rien fait, ni pensé.
Je me suis rendu
compte que personne ne fait rien, et que tout arrive spontanément. Tout surgit
au sein d’un même Maintenant, d’un même espace de non savoir, d’un étonnant
mystère.
Q : Tu pourrais donner un exemple ?
R : Ce qui semble se passer ici en ce moment, c’est qu’une
interview a lieu entre deux amis, l’un posant des questions, l’autre donnant
des réponses. Ça c’est le rêve, le rêve de la séparation. Le point de vue de la
Conscience interprétant le monde au travers d’un instrument corps mental
limité.
Ce qui se passe réellement, du point de vue de la Conscience atemporelle que nous sommes vraiment est assez extraordinaire. Et, ça se passe partout à chaque instant. La Conscience, le Sans Forme, l’Un appelle-le comme tu veux, se manifeste en tant que chaque forme, chaque expérience, chaque organisme corps-mental. L’Un se manifeste partout en toute chose. Il n'y a pas d'entité séparée auteur des pensées et des actions.
Et, tu réalises qu’il en a toujours été ainsi. Il n’y a que l’éternel maintenant. Même s’il semble exister un passé et un futur, tout se passe toujours maintenant et en tant que ce maintenant.
Q : Tu veux
dire que ce qui semble réel ne l’est pas vraiment ? Que le monde est une
illusion ?
R : Le monde est, comment pourrait-on dire, relativement réel.
Comme dans un rêve, où le scénario, le décor, les personnages, les
émotions, toute la texture du rêve n’est au final qu’une expression du rêveur.
De la même façon tout l’univers que l'on appelle réel dans l'état de veille,
n’est qu’une expression de la même vacuité. Et, la vacuité de ta vraie nature
est infiniment plus réelle que les formes qu'elle semble prendre. Pourquoi ?
Parce que les formes changent mais la vacuité demeure. Ce qui ne cesse jamais
d'être est "plus réel" que ce qui naît et meurt.
Mais on pourrait tout aussi bien dire que le monde est saturé de
réalité. Car tout est conscience. Et chaque forme, chaque perception, chaque
être, chaque brin d’herbe anonyme est une expression de la Conscience Une.
Mais seule la Présence consciente dans laquelle tout apparaît et
disparaît est vraiment réelle, absolument réelle, définitivement réelle. Et, tu
réalises que cette Présence impersonnelle, c’est toi !
Non seulement toutes les pensées et perceptions apparaissent au
sein de cette Présence consciente, mais en plus il est réalisé qu’elles sont
des manifestations de cette Présence consciente.
Là, le mental ne peut pas suivre, c’est juste un mystère qui émerveille à couper le souffle.
Q : Il n’y a
donc vraiment personne ? Réaliser cela, c’est ça pour toi l’éveil
spirituel ?
R : La personne est elle-même un concept, une image, un son, une
mémoire perçue Maintenant. D’ailleurs le mot personne vient du mot latin
persona qui désignait à l’origine le masque que portaient les personnages de la
tragédie grecque. La personne est un masque. Un masque n’est pas conscient.
Là, par exemple, ça parle mais il n’y a personne qui parle. Des
pensées, des mots, des phrases, vont et viennent dans un espace de non savoir.
Je ne sais pas ce que je vais dire dans l’instant qui suit, et toi sais-tu
quelle va être ta prochaine pensée ?
Q : Je n'en ai pas la moindre idée !
R : Pourtant, il y a cette Présence qui ne cesse d'être. Et, non seulement Elle est consciente des mots mais est également consciente d'Elle-même, Elle est consciente d’être consciente.
Lorsque je me tourne vers cette Présence consciente, lorsque la Présence s'explore Elle-même, il est réalisé qu’elle n’a pas de limites, ni de début et, ce qui est sans commencement, est également sans fin. Elle n’est donc pas personnelle. Et, si elle n'est pas personnelle, ne peux-tu pas réaliser que c'est la même conscience présente en toi et en moi en ce moment ?
Q : Exprimé comme ça, je sens un doute, en effet. Comme si quelque chose d'inimaginable avant pouvait être vrai.
R : C'est bon de sentir ce doute, quand le mode de perception habituel vacille.
L’illusion serait par exemple de croire qu’il y a des entités
séparées qui pensent délibérément leurs pensées, des consciences séparées,
individuelles, autonomes, séparées les unes des autres, du monde, séparés de la
vie.
C’est pour ça, qu’il n’y a jamais eu personne d’éveillé. C’est la
Présence consciente qui pour des raisons mystérieuses, soudain, arrête de se
confondre avec les perceptions et se rappelle soudain pleinement à Elle-même et
réalise qu’il n’y a qu’Elle, déployée dans des milliards de formes. C’est la
Présence déjà éveillée qui se reconnaît pleinement, lorsque certaines croyances
se dissolvent.
Q : Je comprends mieux ce que tu veux dire. Mais alors si on te
demande si tu es éveillé que réponds tu là ?
R : Si le « je » se réfère à une personne, à un
organisme corps-mental, alors dire « je suis éveillé » ou qu’un tel
est éveillé – est un non sens. Ni le corps, ni les pensées, ni aucun scénario
ne sont en eux-mêmes éveillés ou conscients ! Dan n'est pas éveillé.
Profondément, je ne peux affirmer que ce que je ne suis pas. Je ne
suis rien qui puisse être perçu ou conçu.
Mais quand l'Espace impersonnel se révèle à Toi et en tant que Toi, tu n'as plus besoin d'affirmer quoi que ce soit. Il n'y a ni éveil ni non éveil. C'est au-delà même de la notion d'être éveillé ou de ne pas l'être.
L'atemporelle Présence est déjà pleinement éveillée. C'est d'une telle évidence. Et, il est su que c'est la nature même de toute créature et même de toute la manifestation. C'est su mais par personne. Ici le langage bugge.
En chacun de nous, en amont de toute perception et de toute
pensée, il y a cet espace de non savoir, sans direction, sans futur sans passé,
sans histoire, sans imaginaire. Voilà ce que je suis essentiellement : cet
espace de non savoir qui est synonyme de Conscience éveillée, Conscience déjà
consciente d’elle-même. Et, toi aussi, évidemment. Et, la nuance est de taille.
Tu vois, le truc c’est que, dés que l’on s’intéresse aux personnes
et aux histoires, on fait comme si le temps existait, c’est inévitable. De
plus, les histoires renvoient la plupart du temps à l’idée qu’il y a quelqu’un
qui vit ces histoires, et on a tendance à oublier ce par quoi et ce en quoi
elles se manifestent.
Le plus grand obstacle à l’éveil est sans doute les histoires à
propos de l’éveil et des éveillés. Enfin… Tant que c’est cru.
Q : Oui tant
qu’on y croit. Mais il y a bien
quelque chose qui s’éveille, non ? Il y a bien un avant et un
après ?
R : Je comprends que tu insistes, car tu vois tout cela du point de vue personnel, alors je suis obligé d'insister également.
Du point de vue de la personne, de la mémoire, il semble qu’il y
ait un avant et un après.
Mais du point de vue de la Conscience atemporelle, rien n’a jamais
changé. La Conscience atemporelle est déjà éveillée. Donc du point de vue de la
Conscience, il n’y a rien qui s’éveille.
En réalité, il y a simplement des pensées qui cessent d’être crues. L’éveil c’est juste arrêter de prendre des vessies pour des lanternes. C’est la fin d’une hypnose.
Ce qui est réalisé, c’est que la Conscience n’est pas une chose ou
un esprit qui serait localisé quelque part dans le cerveau. La Conscience est
ce sans quoi rien n’existerait. Cela ne peut-être compris par le mental.
Finalement, plus on s’approche du Mystère, plus les mots sont caduques.
NB : Le prochain stage de 9 jours aura lieu à Paris du 28 Décembre 2019 au 5 Janvier 2020.
Pour ceux qui sont intéressés par un accompagnement individuel non-duel à Paris ou par Skype, une thérapie d'accompagnement psycho-corporelle pour laisser éclore les émotions bloquées, ou une séance de réharmonisation vibratoire, veuillez me contacter au 06 63 76 90 81 ou sur mon mail : adnnn1967@gmail.com
Pour ceux qui sont intéressés par un accompagnement individuel non-duel à Paris ou par Skype, une thérapie d'accompagnement psycho-corporelle pour laisser éclore les émotions bloquées, ou une séance de réharmonisation vibratoire, veuillez me contacter au 06 63 76 90 81 ou sur mon mail : adnnn1967@gmail.com
Si vous voulez vous inscrire pour les rencontres non duelles qui ont lieu de façon bi-mensuelle à chez moi dans le 19e à Paris, ou aux stages de we ou aux retraites de 9 jours, écrivez-moi un sms sur le numéro ci-dessus.
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