Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mardi 1 juillet 2025

Le sentiment de gratitude : Taknemmelighed

 Lien vers la chanson Gratitude :  https://youtu.be/oU61G66nhUU?si=gVaBXnoC79Aar2Kl



Depuis la petite enfance, j’ai vécu d’innombrables fois ce sentiment de taknemmelighed — un mot de ma langue natale, le danois — qui désigne ce que je n’aurais su nommer autrement qu’une joie pure, sans cause, sans objet. Une douceur qui monte sans raison apparente, et qui semble émaner directement de l’être lui-même, comme si tout remerciait simplement d’exister.


C’est ce parfum que j’ai voulu transmettre dans l’un des morceaux de mon album Sat Songs, paru en 2023, qui réunit 22 bhajans modernes inspirés par la non-dualité. L’un d’eux s’intitule justement “Gratitude”. Vous pouvez l’écouter en cliquant sur le lien ci-dessus.


Mais que dit vraiment ce mot danois, taknemmelighed ? Lorsque je l’écoute en profondeur, à la fois avec le cœur et avec l’attention d’un linguiste, il m’apparaît comme un véritable enseignement.


Il est formé de trois éléments : tak, nemmelig et le suffixe -hed. Tak signifie “merci”, “remerciement” — il désigne la reconnaissance du don, de ce qui est donné. Nem ou nemmelig, plus ancien, évoque l’idée de ce qui est “facile à recevoir”, “réceptif”, “disponible”. Il désigne une qualité d’ouverture, une aptitude naturelle à accueillir. Enfin, -hed, comme le “-ité” en français, marque l’état ou la qualité d’être : frihed (liberté), kærlighed (amour), enkelhed (simplicité).


Taknemmelighed signifie donc : l’état d’être dans une disposition à recevoir le remerciement. Ou plus profondément encore : la qualité d’être réceptif à ce qui est, dans une reconnaissance silencieuse.


Ce n’est pas simplement “dire merci”. C’est se tenir dans une présence ouverte, disponible, sans défense. La gratitude ici n’est plus dirigée vers un autre, ni déclenchée par un événement particulier. Elle est simplement là. Elle ne dépend pas d’un sujet ni d’un objet. Elle est la résonance naturelle de l’être qui se reconnaît. Un merci sans direction, sans cause, sans attente. Un merci qui ne vient de personne, adressé à personne — et qui pourtant dit tout.


Dans cette lumière, « tak » devient le remerciement impersonnel. « Nem »évoque le cœur sans appropriation, l’espace où rien n’est rejeté. Et - « hed » affirme que cette qualité n’est pas passagère, mais stable, inhérente à la nature de l’être.


Jean Klein écrivait : « Le remerciement véritable ne surgit pas d’un “moi” qui remercie. Il est silence. » Et l’Ashtavakra Gîtâ nous dit : « Le sage ne remercie personne et ne blâme personne » (III.17). Non par indifférence, mais parce que tout est vu comme le Soi. Qui remercierait qui ?


Taknemmelighed, c’est cela. La présence nue, sans sujet ni objet. Une résonance du silence à lui-même. Une joie d’être qui ne tient à rien — et pourtant qui inclut tout.


C’est pourquoi la gratitude est, en réalité, la seule prière que nous puissions véritablement faire. Pas une demande, pas une supplique, mais une reddition. Même si en allemand prier se dit beten, qui signifie “demander”, la prière la plus profonde ne demande rien. Elle dit simplement : que ta volonté soit faite. Elle ne cherche pas à changer le réel, mais à y consentir pleinement.


La gratitude n’est pas une posture. Elle est ce qui émane naturellement quand le réel se reconnaît comme Un.


Gratitude 🙏🏻 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire