Mail reçu de Stéphane L.
« Bonjour Dan,
J’ai écouté quelques-unes de tes vidéos, et tu fais de beaux efforts pour être pédagogue, je le reconnais. Mais au final, tu le sais comme moi aucune pratique ne permet d’atteindre le Soi. C’est bien beau tout ça, tes méditations, ton exploration du ressenti, ta vision sans tête, les discriminations entre ce qui change et ce qui ne change pas… mais enfin, si on écoute Ramana Maharshi, il le dit clairement : tu es déjà le Soi. Il n’y a rien à faire, rien à pratiquer. Tout effort est du mental. Donc ta vision sans tête, ton retour au sentir, même si ça part d’un bon sentiment, c’est encore du faire. L’éveil n’est pas quelque chose qu’on obtient en pratiquant. »
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Réponse :
C’est une remarque que j’entends souvent, surtout dans les satsang ou dans les cercles de discussion qui s’intéressent à l’éveil, à la non-dualité, notamment dans le néo-advaita. Et je comprends bien ton point de vue. En apparence, c’est vrai : tu es déjà cela. Il n’y a rien à atteindre. La vérité n’est pas dans le futur. Le Soi est ce que tu es.
Mais cette vérité, bien qu’absolue, n’est d’aucun secours si elle est simplement dite comme une injonction mentale, une phrase brillante lancée au visage de celui qui souffre de s’être oublié. Car l’oubli n’est pas conceptuel, et la reconnaissance non plus. Elle n’est pas mentale. Elle ne peut pas être obtenue par des citations. On peut dire « tu es déjà cela », et avoir raison, mais si cela ne touche pas le cœur, si cela ne traverse pas les couches d’identification qui sont encore là, alors cela reste un slogan spirituel. Une injonction brillante qui ne fait que renforcer la division intérieure.
C’est pourquoi il y a, non pas des pratiques pour « obtenir l’éveil », mais des pédagogies de désidentification, des gestes de retournement, des temps d’écoute et de silence, et des jeux de révélation de ce que nous sommes déjà (comme par exemple le jeu « du sentiment de manque à la plénitude » - le jeu du « pourquoi », qui révèle le « je ne sais pas »).
Et alors, du point de vue de la conscience pure, la simple idée de pratiquer pour rester conscient de l’Être révèle le doux paradoxe de la Conscience cherchant ce qu’elle est déjà. L’Être n’est certes pas quelque chose qu’on peut atteindre par l’effort. Tu es déjà l’Être lui-même, cette présence immuable en laquelle toutes les pratiques surgissent et se résorbent.
Mais cette pratique - ou plutôt cette « tendresse d’attention » - agit comme une invitation sacrée. Comme un miroir qui invite silencieusement son reflet à reconnaître qu’il n’a jamais été séparé du miroir. En somme c’est un peu comme si La Conscience parlait directement à Elle-même.
Et l’Intelligence infinie orchestre ces instants de reconnaissance à travers ce qui semble être des pratiques. En vérité, c’est la Conscience jouant à s’oublier et à se rappeler. Et chaque retour à l’Être est un peu comme une note silencieuse dans la symphonie du Réveil.
De plus, dans le champ unifié de l’existence, aucun éveil n’est isolé. Chaque instant d’attention vers l’Être fait vibrer le Tout. Ce n’est pas une simple démarche individuelle. C’est la vie elle-même qui se goûte à travers une forme apparente. La douceur est pour moi un ingrédient essentiel. Parce qu’elle honore cette vérité : ce que tu cherches n’est ni lointain, ni difficile, ni à obtenir. C’est le fondement de ton être. Plus proche que ton souffle, plus intime que la plus secrète de tes pensées.
Chaque retour à l’Être est à la fois une reconnaissance intime et l’Intelligence cosmique s’éveillant à Elle-même. C’est la danse du Réel, découvrant qu’il n’a jamais été ailleurs, jamais perdu, toujours là - parfaitement présent sous forme de cette conscience qui cherche à se connaître.
Ce n’est pas une pratique pour atteindre quelque chose de plus - plus tard que maintenant et ailleurs qu’ici. C’est le jeu sacré de l’évidence qui s’ouvre à elle-même et propose de révéler ce qui est déjà pleinement présent .
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