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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

dimanche 18 mai 2025

L’Amor Fati de Ramana Maharshi

 


« Ce qui doit arriver arrivera, quoi que vous fassiez pour l’éviter ; ce qui ne doit pas arriver n’arrivera pas, quoi que vous fassiez pour que cela arrive. Le meilleur plan d’action est donc de rester tranquille. »

— Ramana Maharshi, Talks with Sri Ramana Maharshi, entretien 426


Ramana Maharshi n’était pas stoïcien. Il n’a jamais cité Sénèque, Épictète ou Marc Aurèle. Pourtant, dans cette phrase limpide, il résume avec une clarté désarmante l’essence même de ce que les stoïciens appelaient l’Amor Fati — l’« amour du destin ». Nietzsche a repris ce terme et signait ainsi. Et depuis que je suis tombé amoureux de la Réalité je signe également ainsi toute correspondance. 


Pour les stoïciens, aimer son destin signifie ne pas seulement l’accepter à contrecœur, mais l’embrasser comme s’il avait été choisi par la sagesse même de l’univers. « Ne cherche pas que les choses arrivent comme tu le veux, mais veuille qu’elles arrivent comme elles arrivent, et tu seras heureux », disait Épictète (Manuel, 8). Cet enseignement trouve un écho profond chez Ramana, non pas à partir d’une morale ou d’un effort d’endurance, mais à partir d’une compréhension radicale de la nature du soi.


Quand Ramana Maharshi dit : « Le meilleur plan d’action est donc de rester tranquille », il ne parle pas d’inaction extérieure, ni de passivité. Il parle de l’abandon du vouloir personnel, du relâchement du moi agité qui se bat contre le cours des choses. Rester tranquille, dans sa bouche, signifie : revenir à la paix silencieuse du Soi, là où aucun désir, aucune peur, aucun effort de contrôle ne trouble la Présence.


Cela ne signifie pas ne rien faire.

Au contraire, c’est à partir de cette tranquillité que naît l’action juste, naturelle, sans tension intérieure. L’être paisible peut alors poser des gestes pour prendre soin du corps, de son environnement, de ceux qui l’entourent — non pas pour forcer le réel, mais pour s’harmoniser avec lui.


Dans la non-dualité, il n’y a pas de « destin » au sens d’un script écrit par un dieu extérieur. Il y a ce qui est — le surgissement spontané de la réalité, d’instant en instant. Et il y a le rêve d’un moi séparé qui croit pouvoir en détourner le cours. Ramana vient dissiper cette illusion : aucune volonté individuelle ne peut altérer la danse de l’Être. Ce qui doit arriver, arrive. Ce qui ne doit pas arriver, n’arrive pas. Point.


Là où le stoïcien accepte le destin comme l’œuvre d’une raison cosmique, le sage non-duel reconnaît l’unité entre ce qu’il est et ce qui arrive. Il ne s’agit plus d’endurer ce qui vient, mais de voir qu’il n’y a jamais eu de séparation entre l’écran conscient et le film, entre le voyant et le vu.


Ainsi, l’Amor Fati chez Ramana Maharshi n’est pas seulement un appel à la sérénité. C’est un éveil à la non-réalité du “je” qui croyait pouvoir choisir. Et c’est, paradoxalement, dans cette dépossession que s’ouvre la plus grande liberté : celle d’être, sans résistance, la Vie elle-même.


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