Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

vendredi 31 octobre 2025

Je suis l’Absolu

 


Cette méditation explore la voie cataphatique, la voie de l’affirmation. Elle s’inspire de l’invitation d’Adi Shankaracharya à prononcer le mantra « Je suis Brahman », c’est-à-dire « Je suis l’Absolu ». Paradoxalement, celui qu’on considère comme l’un des pères de la voie apophatique, celle du « neti neti » — ni ceci ni cela —, nous rappelle que la seule affirmation juste est celle de notre nature véritable.


Dire « Je suis l’Absolu » n’est pas un acte de pensée, mais un retour au Verbe originel, celui dont parle le commencement de la Bible : « Au commencement était le Verbe. » Ce Verbe n’est pas celui de la tête, mais celui du cœur, cette parole silencieuse où toute séparation s’efface.


Cette méditation invite à laisser résonner ce Verbe intérieur, non pour affirmer quelque chose, mais pour s’ouvrir à ce qui est déjà là, avant toute parole : l’Absolu même.


vendredi 24 octobre 2025

Qui est Dieu ?

 


Depuis toujours, l’homme cherche à nommer l’inconnaissable. Dans la tradition islamique, Dieu est qualifié par 99 noms, chacun reflétant un attribut, une qualité, un aspect de sa manifestation. Miséricordieux, Sage, Juste, Protecteur, Créateur, Sustentateur, le Très-Haut, le Pacifique, le Pardonneur, le Bienfaiteur, le Tout-Sachant, le Guide, le Pur… Ces noms permettent de saisir quelque chose de l’infini, de se rapprocher d’une compréhension humaine. Et pourtant, il y a un paradoxe : Dieu est effectivement tout cela et bien plus, mais en vérité, Il n’est aucun de ces noms. Chaque nom est une couleur sur la palette, mais la lumière qui les éclaire est invisible. Chaque attribut est une vague sur l’océan, mais l’océan ne se réduit jamais à la vague.


Dans la tradition islamique, ces 99 noms, appelés Asma’ Allah al-Husna, trouvent leur origine dans le Coran et dans un hadith authentique rapporté par Muslim, où le Prophète Muhammad dit : « Dieu possède 99 noms. Celui qui les connaît et les récite entrera au Paradis. » Ces noms ne sont pas seulement des titres, ils représentent des aspects de la réalité divine et des manières d’entrer en relation avec l’infini. Mais le Coran et la théologie islamique insistent sur le fait que Dieu transcende ces attributs. Chaque nom est une fenêtre sur l’infini, mais ne le contient jamais totalement. Les mystiques soufis, comme Ibn Arabi ou Al-Ghazali, parlent de l’unité essentielle de l’être qui sous-tend tous les attributs. Ce que nous nommons, contemplons ou ressentons à travers ces noms reste un reflet de l’Être ultime et non l’Être lui-même.


C’est la voie kataphatique (du grec kataphatikos, affirmatif, qui vient de kataphasis, « affirmation »), une voie affirmative qui tente de décrire ou nommer Dieu à travers ses attributs. Elle nous permet de contempler Dieu et de nous rapprocher de Lui, mais elle nous égare également de façon subtile. Car cette affirmation, aussi puissante qu’elle soit, ne peut contenir l’essence de Dieu ni exprimer pleinement sa réalité. Avant les attributs, avant les qualités, avant la couleur et la forme, Dieu est. Dieu est dans le silence, dans l’être pur, dans le simple fait de « Je suis ». Ce « Je suis » sous-tend toutes les manifestations, toutes les expériences, toutes les nuances, et reste toujours transparent, immuable, au-delà de toute définition.


C’est comme la lumière avant les couleurs, l’écran avant le film, l’océan avant la vague, la feuille blanche avant le roman. C’est la présence immédiate, ici et maintenant, que nous sommes tous capables de reconnaître si nous cessons de nous perdre dans la recherche des formes. Wei Wu Wei parlait de ce « secret ouvert » : il est là, visible et pourtant invisible, connu et pourtant inatteignable par le mental.


Se reconnecter à cette essence, à ce « Je suis », c’est se reconnecter à notre vraie nature et au bonheur véritable. Car le bonheur n’est pas une chose que l’on obtient, il n’est pas un objet, il n’est pas une couleur parmi d’autres. Le bonheur est la reconnaissance de ce que nous sommes déjà, au-delà des désirs, des attentes et des noms. Il est l’évidence de notre nature, le silence qui soutient toutes les vagues, la lumière qui précède toutes les couleurs.


Et derrière la multiplicité des noms, il n’y a en réalité qu’un seul Nom. Les 99 attributs ne sont que des reflets de l’unique source. Car Dieu ne porte qu’un seul nom, celui qu’il se donne lui-même. Lorsque Moïse lui demande : « Qui es-tu ? », la réponse traverse les siècles : « Je suis celui qui est. » C’est le Nom avant tous les noms, la parole avant toute parole, la présence pure qui ne dépend de rien. Dans ce « Je suis » se dissolvent toutes les images de Dieu, toutes les définitions, toutes les prières cherchant un ailleurs. Ce n’est plus un concept à comprendre, mais une évidence à reconnaître en nous mêmes ici maintenant. 

Comment ? En te posant simplement cette question fatidique : suis-je en train d’être ?

Pose toi cette question jusqu’à ce que la réponse oui affleure avec évidence : oui Je suis, Je suis en train d’être, je suis conscient d’être conscient. Car cette connaissance qui est une simple reconnaissance est l’alpha et l’oméga de la recherche spirituelle. 

Et cette reconnaissance nous établit dans la paix, la plénitude et l’amour que nous cherchons dans le monde et les expériences.

mercredi 22 octobre 2025

Le monde est Dieu en jeu, une vision du monde selon Abhinavagupta


 Le monde, tel qu’il se présente, n’est pas séparé de l’Être. Tout ce que nous voyons, tout ce que nous touchons, tout ce que nous vivons, surgit comme une danse spontanée de la conscience divine. Abhinavagupta nous invite à ne plus chercher ailleurs ce que nous croyons absent. Chaque souffle, chaque regard, chaque mouvement est déjà une expression de Sa joie innée.


La création n’est pas un calcul, elle n’a pas de but extérieur. Elle jaillit libre, comme la musique d’une flûte qui ne pense pas à plaire, comme le vent qui se faufile entre les arbres sans raison apparente. En ce sens, le monde est Dieu en jeu, et chaque instant est une invitation à le voir ainsi.


Dans le Tantrāloka, Abhinavagupta écrit :


« En tant que jeu divin, Il surgit [dans la manifestation] comme une expression de Sa pure béatitude innée, libre de toute histoire de ce qui est désirable et de ce qui ne l’est pas, et ainsi, parce que la racine div peut signifier ‘jeu’ et ‘joie’, Il est appelé Deva (‘le Divin’). »


Cette lumière subtile éclaire tout. Même dans le quotidien, dans le banal, dans ce qui semble dur ou chaotique, l’ombre et la forme se révèlent comme des gestes de la même conscience. Voir cela, sentir cela, c’est entrer dans le jeu, c’est devenir spectateur et acteur à la fois, avec le monde et en lui.


Respirer avec cette présence, c’est percevoir le monde comme un vaste théâtre où tout est déjà offert, où tout est déjà complet. Rien à retenir, rien à changer, juste reconnaître, juste goûter la joie simple de l’existence telle qu’elle se joue. Et au milieu de cette danse, se rappeler que la source est toujours intacte, pure, tranquille, souriante.


Alors chaque souffle devient lumière, chaque pas devient vibration, chaque rencontre devient miroir. Tout est le jeu de Dieu, tout est Sa joie, et nous sommes invités à nous asseoir au cœur de cette scène et à contempler le spectacle.


Le monde n’est pas autre chose que cela : un éclat de la conscience divine qui se rit de lui-même, qui joue sans cesse et nous convie à sourire avec lui, dans la douceur de ce qui est.

Amour inconditionnel et préférences ?

 


Question d’un ami du satsang par mail : « Comment se fait-il que, même lorsque l’amour est reconnu comme notre vraie nature, il demeure en nous des préférences personnelles ? Pourquoi ce mouvement qui nous attire vers certaines formes, certaines personnes, et nous éloigne d’autres ? Si l’amour est inconditionnel, comment comprendre que la vie, pourtant, continue d’avoir des goûts et des affinités ? »

Réponse


Merci pour ta question François qui revient souvent en Satsang. Au début, on peut croire que vivre à partir de l’amour signifie tout aimer de la même manière, comme si l’éveil devait aplanir toutes les différences. Mais l’amour n’est pas une égalisation des saveurs. Ce n’est pas une neutralité froide ni une indifférence. C’est la reconnaissance que tout ce qui est, est aimé déjà, non parce que cela correspond à nos goûts, mais parce que cela participe de l’être même. L’être a déjà tout accueilli. La vague ne renie pas forcément sa courbe en découvrant qu’elle est l’océan. Elle continue d’avoir sa forme, son mouvement, sa préférence, tout en sachant désormais qu’elle est faite d’eau.


Je remarque aussi que lorsque m’apparaît des préférences, et il y en a qui apparaissent de temps en temps, que ce n’est pas vraiment la personne que j’aime ou que je n’aime pas. C’est son comportement, sa manière de penser, sa façon d’agir, qui entrent plus ou moins en résonance avec ma propre forme. Mais derrière cela, en arrière-plan il y a toujours une reconnaissance silencieuse : ce que nous partageons est plus profond que ce qui nous distingue. Et quand je vois quelqu’un dont les gestes ou les paroles me heurtent, ou soulèvent en moi une réaction, je m’assois intérieurement avec cette image et cette émotion jusqu’à sentir, au-delà de la réaction, la tendresse naturelle pour l’être qu’il est avant toute histoire. J’ai appris à faire cela avec mon maître Frédéric Moreau il y a 30 ans et je vis avec cette pratique depuis. Il y a de moins en moins de réactivité, et elle est de moins en moins profonde et de moins en moins durable, mais il y en a encore qui apparaît de temps en temps. Alors je reste là sans rien faire, sans commenter, sans penser, sans juger, sans condamner, sans justifier, sans expliquer sans analyser, juste là à sentir, vibratoirement, sensoriellement, tactilement, comment cette ou ces images et/ou émotions vibrent et je fais silencieusement l’unité avec jusqu’à ce que se révèle que l’apparent autre est fait de la même Présence que moi. Jusqu’à ce que je puisse lui dire : « Tu es l’amour avec lequel je t’aime ». 


Ma Anandamayi disait : « Tout est mon propre Soi sous des voiles variés. » Ces voiles ne sont pas un obstacle, ils sont le jeu même de l’amour prenant des formes multiples pour se reconnaître. L’unité ne s’oppose pas à la diversité, elle la rend possible.


Nisargadatta Maharaj exprimait la même vérité à sa manière : « L’amour dit : je suis tout. La sagesse dit : je ne suis rien. Entre les deux ma vie s’écoule. » 

Entre ces deux pôles respire la vie humaine, à la fois impersonnelle et singulière. L’amour se décline selon le tempérament, le caractère, la sensibilité. La lumière est une, mais chaque vitrail en laisse passer une nuance.


Il n’y a donc pas à faire disparaître les préférences, seulement à les voir sans s’y laisser enfermer. Voir le film et l’écran en même temps. Ou si l’on parle le langage de la Vision Sans Tête ( voie directe conçue par Douglas Harding) il est possible de vivre avec une « double attention » l’une tournée vers la perception et l’autre consciente de l’espace transparent dans lequel sont écrits et lus ces quelques lignes par exemple. 


L’amour véritable n’exige pas qu’on aime tout de la même manière, mais qu’on voie en tout le même fond aimant. Alors même la distance, même la non-affinité, devient une expression de la tendresse de la vie pour elle-même.


Peut-être la vraie question n’est-elle pas : comment purifier mon cœur de toute préférence, mais plutôt : qui suis-je, en amont de ce qui préfère ? Quelle est cette présence immobile qui demeure, même quand l’élan d’amour se tourne ou se retire ?


Et je t’invite à faire l’expérience directement maintenant : « Pose-toi la question tout simplement, si je ne fais pas référence à la mémoire ni à la pensée » (pense à quelqu’un que tu aimes très fort ou que tu détestes en apparence), est-ce que tu l’aimes ou est-ce que tu le détestes, ou (toujours sans faire référence à la mémoire ni à la pensée) ni l’un ni l’autre…


C’est toujours ni l’un ni l’autre. Sans la pensée, sans la mémoire, il y a juste une présence silencieuse et accueillante en chacun de nous, et c’est ce que nous sommes vraiment. Depuis cet endroit qui n’est pas localisé, depuis cet ici maintenant, quelque chose voit apparaître la préférence, le désir et l’aversion, et profondément tu es ce qui prend la forme des deux, ou plutôt tu n’es ni l’un ni l’autre. Et là tu t’éveilles à ta vraie nature, libre depuis toujours, qui ne sait rien, qui ne veut rien, qui ne possède rien, comme disait Maître Eckhart.


mardi 21 octobre 2025

La métaphore du rêve


Il y a, dans la non-dualité, une métaphore qu’on retrouve partout : celle du rêve. Non pas pour dire que le monde est faux, mais pour montrer à quel point il est vivant quand on réalise qu’il n’y a que la substance du rêve et la conscience qui le rêve.


Quand on rêve la nuit, tout semble solide. Le corps qui court, la peur qui contracte, la joie, les visages des autres personnages, les paysages, tout paraît distinct. Pourtant, au réveil, on comprend que rien de tout cela n’existait séparément. Le rêve entier, dans son apparente cohérence, n’était fait que d’une seule et même substance : la conscience du rêveur. Il n’y avait pas d’arbres, de rues ou de voix réelles, il n’y avait pas d’autres, uniquement la texture du rêve, la présence unique se manifestant sous d’innombrables formes.


C’est ce que la non-dualité appelle reconnaître la substance du monde. De même qu’un rêve ne peut exister en dehors de la conscience qui le rêve, le monde ne peut exister en dehors de la présence qui le perçoit. Tout ce que nous voyons, sentons ou pensons est fait de cette même conscience, comme les vagues sont faites d’eau. Quand on s’éveille, on ne découvre pas un autre monde, on découvre que tout était déjà cela.


Dire que le monde est un rêve ne veut donc pas dire qu’il est une illusion vide de sens. Cela signifie qu’il n’a pas d’existence indépendante. Il n’est pas quelque chose qui se tiendrait en face de nous, comme séparé de nous. Il est l’expression même de la présence, la façon dont la Présence se manifeste, sa danse, sa saveur.


Dans le sommeil, la Conscience se rêve elle-même en mille images. Dans l’état de veille, elle continue de se rêver, mais sous une forme plus cohérente, plus lente, qu’on appelle « réalité ». Et dans l’éveil, elle se reconnaît comme ce qui rêve, comme la paix immobile au cœur de chaque forme changeante.


Ce n’est pas que le monde disparaisse, c’est plutôt qu’il se révèle comme étant fait d’une seule et même transparence. Il n’est plus un poids à porter, une contrainte avec laquelle il faut composer ou une menace à réduire, mais empli de présence à éprouver et d’une beauté à contempler. Ce que nous prenions pour des murs devient passage, ce que nous croyions solide devient lumière.


Alors la question n’est plus : « Ce monde est-il réel ou illusoire ? », mais plutôt : « Quelle est la substance de ce monde ? »

Et quand la réponse se dissout dans le cœur, il ne reste que Cela : le rêve vivant de la conscience, sans rêveur séparé.

lundi 13 octobre 2025

Les deux grandes voies pour cesser de souffrir

 


On peut dire qu’il y a deux grandes voies pour répondre à la souffrance. La première, très connue dans l’Advaita Vedanta, c’est la Voie du Questionnement de notre essence, popularisée par Ramana Maharshi et la fameuse Investigation du Soi. On se demande : Qui suis-je ? Quelle est mon véritable soi ? Ou (je préfère nettement ce questionnement-ci : « Qu’est-ce qui est conscient de mon expérience ? » 

Et l’on découvre que toute souffrance vient de l’identification erroné à une identité séparée. La souffrance est toujours in fine une simple erreur identitaire. Cette voie est essentielle, directe, efficiente mais pour beaucoup, elle peut constituer, de façon consciente ou inconsciente un contournement spirituel : on essaie d’échapper à la douleur émotionnelle ou à l’expérience désagréable en se réfugiant dans une compréhension intellectuelle ou dans une mise à distance de la douleur par un détachement. 


C’est pourquoi j’aime introduire d’abord ce qu’on pourrait appeler la Voie du Sentir, qu’on retrouve dans le tantrisme cachemirien et que j’ai approfondi pendant une vingtaine d’années auprès de mon maître vivant Frédéric Moreau. 

Ici, l’invitation est radicalement différente : elle consiste au contraire à tourner notre attention vers l’émotion, vers la contraction, vers la souffrance ou la colère elle-même. 

Mais attention : pas pour qu’elle change, pas pour qu’elle se dissolve, pas comme une technique pour se sentir mieux, mais simplement pour demeurrr en tant que l’Ouvert, sans condition, à ce qui est déjà là.


Et c’est là que ça devient subtil. Parce que, quand vous êtes vraiment prêt à rester avec une sensation inconfortable sans rien attendre, quelque chose s’ouvre. La souffrance se défait d’elle-même. Mais plus profondément encore : ces émotions, ces résistances, ces douleurs, portent en elles-mêmes l’impression même d’être un “moi” séparé. Elles apparaissent dans le corps comme des tensions, des contractions énergétiques. En restant simplement avec elles, patiemment, sans agenda, elles se détendent, elles se dissolvent, et avec elles, le sentiment de séparation se dissout aussi.


La Voie du Sentir demande souvent plus de temps, plus de patience que la Voie de l’Investigation du Soi ou de la connaissance.

Mais elle est précieuse, parce qu’elle va jusqu’au bout. Elle ne laisse rien de côté. Elle intègre le corps, les émotions, les énergies bloquées, et permet à la reconnaissance de notre vraie nature de «  descendre jusque dans la chair ».


Alors oui, il y a pourrions nousdire Grosso modo deux voies de réalisation de notre vraie nature. 

La Voie de la Connaissance et de l’investigation du Soi, qui éclaire notre identité véritable, et la Voie du Sentir, qui défait doucement les nœuds du sentiment de séparation dans le corps. 

Pour beaucoup, c’est seulement en pratiquant assidûment ces deux voies que la libération devient complète, vivante, et qu’elle imprègne toute notre expérience.


Amor Fati 

Pratique non duelle pour un éveil intégral …

 


Dans cette vidéo (extrait du dernier Satsang) je propose une pratique simple et directe, revenir d’abord à la présence, à ce qui est là avant toute histoire, puis inviter doucement dans cette présence les visages, les voix, les êtres envers qui nous ressentons de la haine, de la peur ou de la rancune, non pas pour excuser quoi que ce soit ni pour forcer un pardon psychologique, mais pour voir ce qui se passe quand on cesse de rejeter, quand on laisse venir ces présences dans le champ de la conscience et qu’on découvre qu’elles ne sont faites que de sensations, d’images, de pensées, qu’elles apparaissent dans le même espace que tout le reste, et peu à peu la distance se dissout, l’autre n’est plus là-bas, il est ici, dans cette même ouverture, et c’est là que le véritable pardon se fait, parce que tout se dissout dans une seule et même Présence, non comme un effort moral mais comme une évidence silencieuse. Il n’y a jamais eu deux, alors il devient soudain possible de dire même à celui qui nous a blessés, humiliés, battues, violés, tu es l’amour avec lequel je t’aime, non pas parce qu’on le veut mais parce qu’il est constaté que dans la présence rien n’est séparé. Cette exploration-ci est indispensable pour la plupart d’entre nous si nous voulons vivre un éveil intégral c’est à dire reconnaître comme Nisargadatta que « lorsque je vois que je ne suis rien c’est la sagesse, lorsque je vois que je suis tout c’est l’amour. Entre les deux ma vie s’écoule. »

L’éveil intégral c’est réaliser que tout absolument toute expérience apparaît à 0 distance de la Conscience que je suis et que la Conscience n’est en rien affecté par les formes qu’Elle prend.

Il est essentiel de prendre un temps pour reconnaître tous ces êtres, expériences, rôles, états émotionnels que l’on a rejeté et donc refoulé comme n’étant pas Soi soient reconnus comme une expression de nous.

Si vous ne faites pas cette exploration encore et encore votre éveil restera sec, rationnel, basé surtout sur l’intellect plus que sur le cœur et manquera l’essentiel (l’humilité et la compassion). Et pour vous un donner un exemple parmi d’autres mais qui m’interroge profondément, vous serez comme tous ceux qui parlent d’éveil mais continuent à être fascinés par des dictateurs, ou des hommes politiques égocentriques voire des sociopathes ou psychopathes ayant des comportements criminels… Vous parviendrez à justifier l’injustifiable…

Or l’éveil signifie qu’il est réalisé que l’apparent autre est fait de la même substance que moi. 

Namasté, le salut en Inde, signifie « le divin en moi reconnaît le divin en toi… Et si cette reconnaissance bien du cœur on se comporte avec l’autre avec compassion, comme on voudrait qu’il se comporte avec nous, par que lui ou elle c’est moi, profondément. Autrement dire faire du mail à une autre personne c’est se faire mal à soi-même. Il n’y a donc dans l’éveil intégral nulle place pour le soutien aux expressions humaines qui nient l’autre.


dimanche 12 octobre 2025

Texte de chanson : Le bateau ivre

 


Le bateau ivre 


J’ai adoré découvrir Le Bateau ivre de Rimbaud au lycée. Ce poème m’a souvent accompagné au fil des ans. J’ai même failli l’apprendre par cœur à plusieurs reprises sans jamais aller au bout de ce projet, ma nature flemmarde ayant pris le dessus comme souvent dans ma vie. 


Récemment, une amie, qui essaye justement de l’apprendre par cœur, m’en a déclamé plusieurs extraits. Quand je lui ai dit combien ce chef d’œuvre poétique me touchait sans jamais vraiment en comprendre tout à fait le sens, elle m’a répondu : « Mais c’est le bateau qui descend  les fleuves impassibles, c’est vraiment un poème tantrique ». 


Du coup, je me suis vraiment remis à le relire, en pleine conscience. Et là j’ai pressenti que ce n’était pas simplement le bateau qui descendait les fleuves impassibles, mais une métaphore de la Conscience Elle-même qui en réalité  se dépouille de tout ce qu’elle n’est pas, du poids des mémoires et de l’ancien monde, le monde des habitudes et des conditionnements, hanté par la puissante hypnose de  l’illusion de séparation.


Ce poème est en réalité un voyage métaphorique immobile, un apparent chemin de rédemption, de dépouillement et aussi d’inclusion de toutes nos parts manquantes, de réintégration de nos angles morts, où l’on perd toutes ses identités pour enfin se retrouver tel qu’on n’avait jamais cessé d’être. Un voyage initiatique et spirituel au sens non duel de ce terme, à l’instar du voyage d’Ulysse, ou du fils prodigue et de tant d’autres histoires humaines qui nous content la nostalgie du retour à la maison. 


Le bateau ivre est en réalité une invitation au voyage du dépouillement mais aussi de l’inclusion. À la fois un voyage védantique et un’vtantrique, un voyage de reconnaissance de soi et d’amour pour tout ce qui est, pour transmuter l’illusion d’être séparé et renouer avec l’ivresse d’être.  Je me suis donc amusé à commenter ce monument de la littérature française dans une perspective non conventionnelle et surtout non duelle. Probablement parce que à un moment il devient évident que toute œuvre d’art bien que je pense certaines beaucoup plus que d’autres, comme celle-ci, invitent de façon implicite ou inconsciente à la reconnaissance de l’unité de la Vie. 


Et voilà que m’est venu l’idée d’en faire une chanson et de rajouter à la lecture des 4 premières strophes de ce long poème de Rimbaud (qui en compte 28) quelques autres paroles pour rendre évident la lecture non duelle que j’en ai fait :


Le bateau, ivre 


Comme je descendais des Fleuves impassibles,

Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :

Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,

Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.


J’étais insoucieux de tous les équipages,

Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.

Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,

Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.


Comme ce bateau, je suis ivre d’amour 

d’un amour libre qui n’exige rien en retour


Comme cet o - céan qui danse toujours 

En mille et une vagues qui me disent chaque jour 


Aime toujours car tout ça c’est fait d’amour 

En chaque vague l’océan 

se savoure 


Dans les clapotements furieux des marées,

Moi, l’autre hiver, plus sourd que les cerveaux d’enfants,

Je courus ! Et les Péninsules démarrées

N’ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.


La tempête a béni mes éveils maritimes.

Plus léger qu’un bouchon j’ai dansé sur les flots

Qu’on appelle rouleurs éternels de victimes,

Dix nuits, sans regretter l’œil niais des falots !


Comme ce bateau je m’enivre d’azur 

Au fil de l’eau je guérirai de toutes mes blessures 

Comme lui j’ai pris un aller sans retour 

Car le chemin en valait vraiment le détour 

C’est bien trop tard pour faire demi-tour 

Il n’y aura plus jamais plus de toujours 



Que reste-t-il de toutes nos histoires 

Beaucoup de défaites et aucune victoire

Quand vient le naufrage on serre la voile

Et on jette à la mer tous ses rêves en étoile


Je bois la tempête et recrache des éclairs

Sans coups de foudre ni d’éclats de verre 

J’ai vu sombrer mes doutes aux confins de la nuit

Le vent me dit d’être tout ce que je suis 


Comme ce bateau, je suis ivre d’amour 

d’un amour libre qui n’exige rien en retour

Comme cet océan qui danse toujours 

En mille et une vagues qui me disent chaque jour 


Aime toujours car tout ça c’est fait d’amour 

En chaque vague l’océan se savoure