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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mercredi 22 octobre 2025

Amour inconditionnel et préférences ?

 


Question d’un ami du satsang par mail : « Comment se fait-il que, même lorsque l’amour est reconnu comme notre vraie nature, il demeure en nous des préférences personnelles ? Pourquoi ce mouvement qui nous attire vers certaines formes, certaines personnes, et nous éloigne d’autres ? Si l’amour est inconditionnel, comment comprendre que la vie, pourtant, continue d’avoir des goûts et des affinités ? »

Réponse


Merci pour ta question François qui revient souvent en Satsang. Au début, on peut croire que vivre à partir de l’amour signifie tout aimer de la même manière, comme si l’éveil devait aplanir toutes les différences. Mais l’amour n’est pas une égalisation des saveurs. Ce n’est pas une neutralité froide ni une indifférence. C’est la reconnaissance que tout ce qui est, est aimé déjà, non parce que cela correspond à nos goûts, mais parce que cela participe de l’être même. L’être a déjà tout accueilli. La vague ne renie pas forcément sa courbe en découvrant qu’elle est l’océan. Elle continue d’avoir sa forme, son mouvement, sa préférence, tout en sachant désormais qu’elle est faite d’eau.


Je remarque aussi que lorsque m’apparaît des préférences, et il y en a qui apparaissent de temps en temps, que ce n’est pas vraiment la personne que j’aime ou que je n’aime pas. C’est son comportement, sa manière de penser, sa façon d’agir, qui entrent plus ou moins en résonance avec ma propre forme. Mais derrière cela, en arrière-plan il y a toujours une reconnaissance silencieuse : ce que nous partageons est plus profond que ce qui nous distingue. Et quand je vois quelqu’un dont les gestes ou les paroles me heurtent, ou soulèvent en moi une réaction, je m’assois intérieurement avec cette image et cette émotion jusqu’à sentir, au-delà de la réaction, la tendresse naturelle pour l’être qu’il est avant toute histoire. J’ai appris à faire cela avec mon maître Frédéric Moreau il y a 30 ans et je vis avec cette pratique depuis. Il y a de moins en moins de réactivité, et elle est de moins en moins profonde et de moins en moins durable, mais il y en a encore qui apparaît de temps en temps. Alors je reste là sans rien faire, sans commenter, sans penser, sans juger, sans condamner, sans justifier, sans expliquer sans analyser, juste là à sentir, vibratoirement, sensoriellement, tactilement, comment cette ou ces images et/ou émotions vibrent et je fais silencieusement l’unité avec jusqu’à ce que se révèle que l’apparent autre est fait de la même Présence que moi. Jusqu’à ce que je puisse lui dire : « Tu es l’amour avec lequel je t’aime ». 


Ma Anandamayi disait : « Tout est mon propre Soi sous des voiles variés. » Ces voiles ne sont pas un obstacle, ils sont le jeu même de l’amour prenant des formes multiples pour se reconnaître. L’unité ne s’oppose pas à la diversité, elle la rend possible.


Nisargadatta Maharaj exprimait la même vérité à sa manière : « L’amour dit : je suis tout. La sagesse dit : je ne suis rien. Entre les deux ma vie s’écoule. » 

Entre ces deux pôles respire la vie humaine, à la fois impersonnelle et singulière. L’amour se décline selon le tempérament, le caractère, la sensibilité. La lumière est une, mais chaque vitrail en laisse passer une nuance.


Il n’y a donc pas à faire disparaître les préférences, seulement à les voir sans s’y laisser enfermer. Voir le film et l’écran en même temps. Ou si l’on parle le langage de la Vision Sans Tête ( voie directe conçue par Douglas Harding) il est possible de vivre avec une « double attention » l’une tournée vers la perception et l’autre consciente de l’espace transparent dans lequel sont écrits et lus ces quelques lignes par exemple. 


L’amour véritable n’exige pas qu’on aime tout de la même manière, mais qu’on voie en tout le même fond aimant. Alors même la distance, même la non-affinité, devient une expression de la tendresse de la vie pour elle-même.


Peut-être la vraie question n’est-elle pas : comment purifier mon cœur de toute préférence, mais plutôt : qui suis-je, en amont de ce qui préfère ? Quelle est cette présence immobile qui demeure, même quand l’élan d’amour se tourne ou se retire ?


Et je t’invite à faire l’expérience directement maintenant : « Pose-toi la question tout simplement, si je ne fais pas référence à la mémoire ni à la pensée » (pense à quelqu’un que tu aimes très fort ou que tu détestes en apparence), est-ce que tu l’aimes ou est-ce que tu le détestes, ou (toujours sans faire référence à la mémoire ni à la pensée) ni l’un ni l’autre…


C’est toujours ni l’un ni l’autre. Sans la pensée, sans la mémoire, il y a juste une présence silencieuse et accueillante en chacun de nous, et c’est ce que nous sommes vraiment. Depuis cet endroit qui n’est pas localisé, depuis cet ici maintenant, quelque chose voit apparaître la préférence, le désir et l’aversion, et profondément tu es ce qui prend la forme des deux, ou plutôt tu n’es ni l’un ni l’autre. Et là tu t’éveilles à ta vraie nature, libre depuis toujours, qui ne sait rien, qui ne veut rien, qui ne possède rien, comme disait Maître Eckhart.


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