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| Une photo de moi lors de la réincarnation en moine orthodoxe |
C’est peut-être mon Karma que de révéler l’absence de Karma ?
Plaisanterie à part d epuis quelques jours, après mes trois articles consacrés au karma et à la question de l’incarnation, j’ai reçu de nombreux commentaires sur Facebook ou par mail, parfois enthousiastes, parfois interloqués, parfois même un peu agacés. Certains me disent que je pinaille, que je coupe les cheveux en quatre, que je vais trop loin. Mais je ne le pense pas. Ce que j’observe surtout, c’est à quel point ces sujets touchent des zones sensibles, où se mêlent beaucoup de croyances, de projections, et parfois des interprétations héritées de ce qu’on appelle le milieu spirituel contemporain.
Je tente, peut-être naïvement, mais avec sincérité, de dépatouiller l’être de toutes ces couches de croyances New Age qui, au fil du temps, se sont déposées comme une gangue autour de la vraie connaissance. Derrière ces conceptions très poétiques parfois, très séduisantes aussi, il y a souvent une vision cosmogonique qui n’a plus grand-chose à voir avec l’expérience directe de la conscience. Et je sens profondément qu’il est important de clarifier tout cela, non pas pour avoir raison, mais pour permettre d’éviter certaines confusions qui rendent l’accès au réel inutilement compliqué.
L’article que je partage ici est composé du commentaire d’un ami Facebook à propos de mon deuxième article sur le karma et l’absence d’incarnation individuelle, suivi de ma réponse détaillée. Je le publie parce que cet échange illustre très bien les malentendus récurrents autour de cette question fondamentale. Et si je peux, par ce genre de dialogue, offrir un peu plus de clarté à ceux qui naviguent encore entre plusieurs visions du monde, alors le temps que j’y consacre est plus que justifié.
Commentaire d’un ami FB à mon article du 17/11/25 intitulé : « Incarnation ou pas incarnation.
« Les expériences hors du corps par les plus expérimentés ou via les EMI montrent clairement qu'il y a une entité individuelle et qu'elle est le tout en simultanée. C'est les deux en même temps.
Dans l'agenda de la Mère d'Auroville du 2 août 1961, avec un vocabulaire différent la question de l'individualité est abordée par Satprem.
Je n'ai pas assez de recul de par mes expériences en OBE pour l'affirmer, mais les plus expérimentés que j'ai étudié sont clairs là-dessus.
Autrement dit il y aurait une entité qui se réincarne, on est pas fondu dans un magma, il y a un continuum.
Je pense que dans notre conscience incarnée on simplifie souvent les choses car on a souvent pas la mémoire. »
Ma réponse à ce commentaire :
Merci pour ton message. Avant de te répondre, je voudrais préciser quelque chose d’important. J’officie comme accompagnant psycho-corporel non-duel depuis 1998, et pendant plus de vingt-cinq ans, j’ai guidé des milliers de séances où j’ai vu apparaître toutes sortes de phénomènes non conventionnels, parfois très subtils, parfois puissants, parfois déroutants. J’ai moi-même vécu des centaines d’expériences intérieures d’une grande intensité. Tout cela, je le connais bien, mais je n’en parle presque jamais, par respect pour ce que j’appelle la réalité ultime. Toutes ces manifestations appartiennent au domaine de l’expérience, et une expérience, par nature, apparaît et disparaît. Elle a un commencement, une durée, une fin. Elle se déroule dans un espace perçu.
Ce que je suis, ultimement, n’est pas une expérience. C’est ce qui rend toute expérience possible. C’est intemporel, hors de l’espace et du temps. L’espace et le temps apparaissent en ce que je suis, et non l’inverse. Et pour être très honnête, parmi toutes les expériences impressionnantes ou extraordinaires que j’ai pu connaître ou accompagner, il n’y en a aucune qui égale l’étonnement d’être l’éternelle et infinie présence. Cet étonnement-là dépasse tout le reste.
À partir de cette clarification, je comprends profondément ce que tu exprimes concernant les OBE, les EMI et les explorations subtiles. Beaucoup témoignent effectivement d’une continuité de l’individualité sur un autre plan, d’une sorte de cohérence qui se poursuit d’un niveau de perception à un autre. Je ne remets pas en question ces vécus : ils existent, et ils ont leur légitimité dans le champ phénoménal. Ils appartiennent à ce que l’on pourrait appeler le plan subtil de l’expérience, tout comme les rêves lucides, les visions, les états méditatifs profonds.
Mais même les expériences hors du corps les plus saisissantes apparaissent à quelqu’un. Elles sont perçues. Elles évoluent. Elles disparaissent. Elles ne témoignent pas de ce que je suis en vérité, mais de ce que je peux percevoir. L’entité subtile qui semble se déplacer ou continuer d’exister dans ces plans n’est encore qu’un contenu apparaissant dans la conscience.
C’est là le cœur de la non-dualité :
être l’entité subtile perçue n’est pas être la conscience qui perçoit.
Même une continuité subtile reste un phénomène. Ce n’est pas l’absolu.
C’est pour cela que je dis souvent, en plaisantant, mais c’est une plaisanterie très profonde, que la seule EMI véritable que je connaisse est celle de Ramana Maharshi, à seize ans. Parce que sa “mort” intérieure ne l’a pas projeté dans un autre plan, ni dans une entité subtile en déplacement. Elle l’a reconduit directement à sa nature intemporelle. Ce n’était pas une continuité personnelle, mais la fin radicale de la personne. La révélation de l’unique présence.
Satprem, La Mère, Sri Aurobindo parlent de continuité psychique, de corps subtils, d’évolution. Je respecte pleinement ces visions, et elles décrivent des niveaux réels du manifesté. Mais même chez eux, l’individualité subtile n’est pas l’ultime. Elle est un instrument. Elle apparaît. Elle évolue. Elle n’est pas la source.
La non-dualité ne nie pas ces expériences. Elle les replace simplement dans leur juste contexte : celui de phénomènes subtils, riches, parfois précieux, mais encore conditionnés. Ce qui est ultime, ce que je suis réellement, ne se déplace pas, ne migre pas, n’a pas de mémoire propre, n’entre dans aucun corps et n’en sort jamais.
Tout apparaît en cela.
Et cela ne bouge jamais.