Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

lundi 17 novembre 2025

Incarnation ou pas incarnation : ce que montre l’expérience directe




Suite aux différents commentaires que j’ai reçus après mon article sur le karma et l’absence de réincarnation d’une entité individuelle, j’ai vu émerger de nombreuses confusions. Ces commentaires, souvent bien intentionnés, révélaient des malentendus profonds sur ce que j’entendais vraiment. J’ai donc hésité à écrire un second article. Et le voici, parce qu’il me semble important de clarifier ce qui, dans mon expérience directe, ici et maintenant, ne relève ni d’une théorie métaphysique ni d’une négation de la forme, mais d’une observation simple et directe de la nature de la conscience.


Depuis que j’ai écrit sur l’absence de réincarnation individuelle, certains m’ont reproché de nier l’incarnation, de négliger la forme, ou même d’oublier l’importance de la sensibilité humaine. Cette réaction révèle surtout une confusion fréquente. Ce que je partage ne vient pas d’une abstraction philosophique ni d’une théorie venue de lectures de textes de non dualité. Cela vient de mon expérience directe, ici, maintenant, de moi-même. Et c’est précisément cette expérience qui montre qu’il est possible d’honorer pleinement la singularité humaine sans adhérer à l’idée d’une incarnation au sens strict.


Le mot incarnation suppose qu’il y a quelque chose qui s’incarne. Il suppose une entité individuelle qui descend, qui habite un corps, qui se perpétue, qui voyage d’existence en existence. C’est une histoire séduisante, mais dans mon expérience immédiate de la conscience, ce n’est pas ce que je constate. Lorsque je regarde ce que je suis, ici même, je vois un corps vivant, une sensibilité, un mental avec sa mémoire et son rythme, une histoire personnelle riche en couleurs. Rien de tout cela n’est nié. Au contraire, tout cela apparaît comme une expression magnifique du vivant. Mais bien que je remarque une singularité personnelle différente d’autres singularités humaines, je ne trouve ici nulle  part un moi séparé qui entrerait dans ce corps, ni un être permanent qui survivrait pour s’installer ailleurs ensuite. Je vois des phénomènes apparaître dans la conscience et disparaître dans la conscience. Je ne vois pas un propriétaire.


Dire qu’il n’y a pas d’incarnation, dans ce sens-là, ne signifie pas du tout que je nie la forme. Cela signifie simplement que, dans mon expérience directe, je ne rencontre jamais une entité personnelle autonome qui entrerait dans un corps. Je rencontre des expériences, des perceptions, des mouvements, des pensées, des élans, des résistances. Je rencontre la vie sous une forme singulière, mais je ne rencontre jamais un auteur. Il n’y a qu’une conscience dans laquelle tout cela apparaît.


Certains me disent que refuser l’idée d’incarnation reviendrait à manquer d’amour ou à oublier la dimension humaine. Pourtant, c’est exactement l’inverse. Reconnaître que la conscience est première permet d’embrasser la forme avec infiniment plus de douceur, comme un mouvement passager mais profondément précieux. Lorsque la vie n’est plus vécue comme une mission karmique ou un parcours d’âme en exil, elle se détend si je puis le formuler ainsi. Elle devient simple. Elle revêt un caractère d’authenticité. Le corps est alors vécu sans abstraction. La sensibilité est accueillie sans jugement. La personnalité est honorée comme une expression irremplaçable, mais pas comme une entité séparée.


Dans mon expérience directe, les pensées surgissent d’elles-mêmes. Je ne connais pas ma prochaine pensée. Elle apparaît. Elle disparaît. Elle n’appartient à personne. Si je ne choisis pas mes pensées, qui serait l’âme qui s’incarne. Où est l’entité qui entre et qui sort ?

Je trouve des phénomènes, mais jamais un propriétaire des phénomènes. Je trouve des pensées, mais jamais un penseur. Je trouve une vie riche et vibrante, mais pas de centre séparé qui la gouvernerait.


Dire qu’il n’y a pas d’incarnation ne revient donc pas à dire que le corps n’existe pas. Cela revient à dire qu’il n’y a pas derrière lui un individu éternel, un noyau personnel, un sujet isolé qui porterait son histoire de vie en vie. Cela ne revient pas à nier la singularité, mais à voir que cette singularité ne se prolonge pas comme une âme autonome. Elle est in fine une simple modulation de la conscience, mais en aucun cas une entité indépendante.


Pour ceux qui craignent qu’une non-dualité sans incarnation devienne froide, sèche ou désincarnée, je pourrais simplement dire ceci : Lorsque on voit que personne ne s’incarne, la vie devient plus intime, pas moins. Il n’y a plus de séparation entre un moi imaginaire et le reste. Il n’y a plus le poids d’un destin personnel à accomplir. Il n’y a plus l’angoisse de savoir ce qui va se réincarner ou non.


Dire qu’il n’y a pas d’incarnation ne revient pas à nier la profondeur et la beauté de la vie humaine. Cela revient à enlever l’idée d’un propriétaire. La forme n’est pas rejetée. Elle est reconnue comme expression du Sans Forme qui Je suis ultimement. La sensibilité n’est pas effacée. Elle est vécue plus pleinement. Ce qui disparaît, c’est seulement la fiction d’un voyageur séparé. Ce qui demeure, c’est la vie elle-même, sous cette forme unique, fragile, humaine.


Ce qui revient à dire que Je suis le Sans Forme qui prend toute forme.


Que ceux qui ont des oreilles entendent. 


Paix et amour 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire