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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mardi 24 juin 2025

Redécouvrir le Soi à partir du corps : La voie du sentir


Reconnaissance non-duelle à partir du corps (la voie du sentir) 


On commence souvent par croire que le corps, c’est un corps d’organes : une machine animée de chair et de sang, régie par des règles biologiques, médicales, scientifiques. On croit qu’il a une forme, une histoire, une mécanique qu’il faudrait réparer ou optimiser. Ce corps-là, c’est celui que l’on voit dans le miroir, que l’on compare, que l’on juge. Il semble dense, défini, et surtout… séparé du reste.

Tant que je crois être ce corps ou exister quelque part à l’intérieur de ce sac de peau et d’os a forme humaine, sous forme d’une âme individuelle ou d’une conscience séparée localisée dans le cerveau, je suis soumis à la roue du samsara des plaisirs et des souffrances, je vis une vie de seconde de main et suis piégé par une puissante hypnose qui me fait souffrir et vivre des conflits avec les autres et le monde. Or il est possible en explorant directement la nature réelle de ce corps par le senti de se libérer de cet attachement illusoire et source de souffrance. 

Si l’on regarde un peu plus attentivement… ce que nous appelons “corps” n’est jamais un objet vu de l’extérieur, c’est toujours une sensation vécue de l’intérieur. Le corps, en vérité, c’est d’abord un corps mental. Un agrégat de sensations sur lesquelles nous avons posé des images, des concepts, des peurs, des histoires : — Ici, ça serre : c’est que je suis tendu. — Là, ça picote : est-ce un danger ? — Là, ça chauffe : est-ce du désir ? une émotion ? Et toutes ces sensations deviennent comme recouvertes de commentaires, d’anticipations, de souvenirs, de projections.

Ce n’est plus un corps, c’est une narration du corps. Un film intérieur, sur fond de chair.

Mais si, au lieu d’interpréter, je reste simplement avec ce qui est là, si je n’essaie pas de comprendre, ni d’améliorer, mais juste de sentir… alors quelque chose s’ouvre. Le mental se tait. Les mots se retirent. Les concepts se dissolvent.

Et peu à peu, le corps devient champ de sensations pures. Non plus un corps conceptuel, mais un corps de vibrations, un tapis d’ondes vivantes, de frémissements, de densités mouvantes, de souffles subtils.

C’est ce que les tantrikas appellent parfois le corps d’énergie. Ce n’est pas une idée. C’est une écoute directe. Ce n’est pas une croyance. C’est une présence nue.

Et si je m’abandonne encore plus profondément à ce sentir — Si je ne cherche même plus à sentir, mais que je me laisse être senti… Alors le corps cesse d’être un dedans. Il perd ses contours.

Les sensations deviennent immenses, transparentes, non localisées. Ce n’est plus un “moi” qui sent un corps… C’est l’espace lui-même qui prend conscience de lui-même sous la forme de ce corps.

Et là s’ouvre le troisième corps que l’on pourrait appeler le corps d’espace. Un corps sans forme, qui n’exclut rien, qui ne possède rien, qui n’est nulle part et partout à la fois.

Et dans certaines Upanishads, il est dit : « Ce corps est le tout. C’est Brahman. En lui est l’univers entier. » (Chāndogya Upanishad, VI.8.7)

Ou encore :

« Celui qui connaît Brahman comme l’espace dans le cœur… habite tout, et n’est plus jamais confondu avec le petit moi. »

(Bṛhadāraṇyaka Upanishad, III.8.8)


Alors ce corps d’espace n’est pas une abstraction. C’est l’ouverture même, c’est l’infini devenu sensible, c’est le toucher de l’univers en nous.

Il ne s’oppose pas au corps de chair, il l’englobe, il le baigne, il le dissout sans le nier.

Et à la fin, il n’y a plus que Cela - un corps-silence, un espace-conscience, où plus rien n’est séparé de Toi.

Et peut-être est-ce cela que l’on avait oublié : que sentir est déjà silence. Sentir, dans sa pureté, est un acte non duel — car il ne peut être pensé. On ne peut pas vraiment penser et sentir en même temps. L’un appelle le mental, l’autre appelle la Présence.

La joie du sentir, quand elle est libre de toute histoire, révèle exactement le même Soi que la voie de l’investigation. Elle ne cherche pas à nommer ce qui est, elle le goûte. Elle ne cherche pas à comprendre, mais à embrasser. Elle n’analyse pas, elle se fond. Et dans cette fusion, il n’y a plus de deux.

La voie du sentir est donc une voie d’amour. Elle ne s’élève pas au-dessus du monde, elle l’accueille depuis l’intérieur. Elle ne se détourne pas du corps, elle le transfigure. Et pourtant — elle mène au même lieu que la voie du détachement, ou de la connaissance : ce lieu sans lieu, cette présence infinie, atemporelle, qui jamais ne s’éloigne de ce que tu es.

C’est le même silence. Le même Soi. Le même retour vers l’être qui n’a jamais cessé d’être, la même reconnaissance que Je suis ce que Je cherche. 

Ainsi le sentir opère au fond comme un Neti neti d’amour, un neti neti alchimique où tout ce que je ne suis pas ultimement est consumé par amour pour révéler ce que Je suis avant l’histoire, les mots et même les perceptions. 


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