Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mercredi 24 septembre 2025

La spiritualité authentique est toujours négative

 


Traditionnellement il y a deux façons d’aborder Dieu ou la réalité ultime, une plus superficielle, plus extérieure, accessible au grand nombre, et une plus radicale, plus intérieure, gnostique, destinée à conduire à une expérience directe de la conscience. 

La première est appelée kataphatique, du grec kataphatikos, qui signifie affirmatif, positif, qui déclare. Elle consiste à décrire Dieu, la conscience ou l’Absolu à partir de qualités et d’attributs, par des mots et des images : Dieu est amour, Dieu est lumière, Dieu est bonté. Cette approche permet au mental de se repérer, d’avoir une relation, mais elle reste dans le domaine des concepts et de la mémoire. Elle est utile pour inspirer, nourrir la dévotion et soutenir la pratique quotidienne, mais elle ne conduit pas directement à l’expérience de la réalité ultime. Les textes sacrés, les psaumes, les prières et les rituels sont souvent structurés selon cette approche, qui parle au cœur et à l’imagination, offrant un cadre symbolique pour sentir la présence du divin.


La deuxième voie est appelée la voie apophatique, du grec apophatikos, qui signifie négatif, qui nie, qui défait. Elle consiste à reconnaître ce que Dieu, la conscience ou l’Absolu n’est pas, à s’éloigner de tous les concepts et images, à vider l’esprit de toute affirmation. Cette approche radicale est au cœur de la voie directe et de la non-dualité, qui invite à séparer la conscience de ce qu’elle n’est pas afin qu’elle se révèle d’elle-même à elle-même. Dans la tradition du Neti Neti des Upanishads, notamment dans le Brihadaranyaka Upanishad, il est dit que Brahman n’est ni ceci ni cela. C’est aussi le thème central du Nirvana Shatkam, ce poème de Adi Shankarasharya (8e siècle), un des pères fondateurs de l’Advaita Vedanta. 


Cette négation ne vise pas le néant mais à révéler l’espace pour la reconnaissance directe de ce qui est. La conscience ne peut pas être définie, mémorisée ou conceptualisée, et toute tentative de la saisir par les mots la limite. La voie apophatique nous apprend que l’expérience de la réalité ultime ne peut pas passer par la mémoire ou les concepts, mais par une perception immédiate, sans sujet qui perçoit et objet qui est perçu, une aperception, pure conscience présente et silencieuse se savourant Elle-même. 


Ramana Maharshi illustre cette approche de façon simple et puissante par l’investigation du Soi qu’il a contribué à populariser. Il invitait ses « disciples » (il n’avait pas au sens propre de disciples) à se poser la question « Qui suis-je » non pas pour trouver une réponse mentale, mais pour remonter à l’origine de toute expérience, à ce témoin silencieux qui observe les pensées, les émotions et le monde. Il expliquait que tant que l’on reste attaché aux identités et aux concepts, on ne peut réaliser le Soi. 


Nisargadatta Maharaj utilisait des métaphores percutantes pour faire comprendre que le Soi est ce qui demeure quand tout ce qui est connu, nommé ou imaginé disparaît. L’expérience de la conscience est immédiate, qu’elle n’a pas besoin de justification ni de concept. Tu es cette Conscience ici maintenant. Il disait  « Je suis l’ultime négation de tout ce que je ne suis pas ». 


Maître Eckhart, dans la mystique chrétienne, illustre de façon frappante la voie apophatique. Il insiste sur le fait que Dieu ne peut être saisi par aucune qualité humaine. Il affirme par exemple que « Dieu n’est pas bon », non pour nier l’amour divin, mais pour montrer que toute idée de bonté que nous possédons reste limitée et ne peut enfermer l’infini. Selon lui, chaque attribut que nous assignons à Dieu est déjà une limitation, car il s’agit de concepts issus du monde humain et du mental. La voie apophatique, chez Eckhart, consiste à ôter toutes les images, tous les concepts et toutes les qualités que nous imaginons, pour se tenir dans l’espace où Dieu est au-delà de toute pensée, de tout jugement et de toute perception.


Mais Eckhart va plus loin encore : il dit que l’on doit se défaire même de la volonté de Dieu, c’est-à-dire renoncer à l’idée de vouloir Dieu selon notre compréhension ou notre désir. Même le vouloir divin, tel que nous l’imaginons, est un concept qui limite l’infini. Pour rencontrer Dieu tel qu’il est, il faut se détacher de toute attente, de toute intention, et simplement se tenir dans l’expérience immédiate de ce qui est, dans le silence et la présence pure. Cette démarche est radicale : elle ne laisse aucune place à la projection mentale, à l’adhésion à des qualités ou à des volontés, et conduit à une expérience directe de la réalité qui se révèle d’elle-même.


La vision sans tête de Douglas Harding résume d’une façon très simple, pratique, ludique et surtout très expérientielle, 6000 ans d’invitations non duelles à reconnaître notre vraie nature non séparée. Je l’ai partagée avec bonheur et une incroyable efficience avec des milliers de personnes depuis 15 ans au travers de séances individuelles, satsang, vidéo ou stages de 9 jours. 

Elle apporte une illustration concrète de cette expérience apophatique. En observant le monde depuis le point de vue de ce qui perçoit plutôt que de ce qui est perçu, on réalise que le monde des objets et des perceptions n’est pas séparé de celui qui perçoit. Cette simple inversion du point de vue, de l’attention à 180 degrés vers sa propre source, cette attention dirigée vers le « vide » qui est le lieu du regard, permet à la Conscience de se révéler pleinement à Elle-même. Elle montre de façon immédiate que ce que nous cherchons à travers les mots, les concepts et les croyances est déjà présent, que la réalité n’est jamais ailleurs que dans le témoin silencieux, cette ouverture transparente, consciente et accueillante au-dessus de nos épaules. 


Dans la pratique de la voie apophatique, les mots et concepts sont comme des échardes : ils servent à enlever une autre écharde, c’est-à-dire une croyance ou un attachement mental qui voile la conscience. Une fois la tâche accomplie, toutes les échardes sont jetées. Les mots ne doivent jamais devenir eux-mêmes des objets d’attachement, sinon on retombe dans le piège de l’objectivation. Là où la voie kataphatique construit et décrit, la voie apophatique défait, vide et révèle. Ce vide n’est pas un néant, mais la clarté de l’évidence, la réalité immuable et silencieuse qui est toujours présente. La réalité ultime ne se révèle pas par une addition de concepts mais par une soustraction de ce qu’elle n’est pas.


La non-dualité, qui est le cœur de toute spiritualité, consiste à séparer la conscience de tout ce qu’elle n’est pas, afin qu’elle se révèle d’elle-même. Elle ne dépend pas des croyances, des images, des concepts ou des expériences passées. Elle est accessible ici et maintenant, dans la perception immédiate de ce qui est toujours là. 

La voie apophatique est la voie directe qui conduit à cette reconnaissance, et c’est dans cette évidence que l’on expérimente la réalisation du Soi. Tout est déjà là, silencieux, immuable, accessible à celui qui cesse de s’accrocher aux mots et aux concepts et se tient dans l’expérience directe de la réalité.


Ainsi, la voie kataphatique guide et inspire, elle éclaire et nourrit, mais seule la voie apophatique révèle la conscience dans son évidence. Le corps, les perceptions, les pensées et les émotions sont des objets, et la conscience est ce qui perçoit tous ces objets. Reconnaître cette discrimination, la vivre, c’est percevoir l’évidence silencieuse et immuable qui est toujours présente. 


Les maîtres nous montrent le chemin, mais le chemin n’est pas autre chose que l’évidence elle-même toujours déjà présente en laquelle tout apparaît et disparaît, par laquelle toute expérience est connue et ultérieurement dont toute expérience est faite. 


AMOR FATI

mardi 23 septembre 2025

La solution au problème


Ramana Maharshi disait : « La solution à votre problème est de voir qui l’a. » Tant que nous nous identifions à un « moi » séparé, les problèmes semblent réels et pressants. Mais dès que l’on regarde directement celui qui prétend être concerné, on découvre qu’il n’y a là qu’une pensée, qu’une image passagère dans la conscience. Sans ce « je » fabriqué par le mental, où est donc le problème ?

Robert Adams prolonge cette intuition avec une radicalité désarmante : « Le “je” croit avoir des problèmes, alors que le “je” est lui-même le seul problème. (…) Il n’y a pas de problèmes ! Il n’y en a jamais eu, il n’y en a pas aujourd’hui, et il n’y en aura jamais. La réalité qui soutient l’univers est pure Conscience. Elle n’a pas de problèmes. Et tu es Cela. »

La non-dualité ne nie pas les difficultés pratiques de l’existence, mais elle invite à voir qu’en profondeur, au-delà de l’histoire de la personne, rien n’a jamais été troublé. Ce que nous sommes vraiment est cet espace silencieux et libre, immuable au cœur du changement. Là, aucun problème ne subsiste.

Et vivre à partir de cet espace change tout. Les relations se simplifient, car on ne cherche plus à défendre une identité fragile. La pensée se clarifie, moins obsédée par l’anticipation ou la rumination. La présence aux autres devient plus douce, plus authentique. Même le monde extérieur, avec ses défis et ses crises, est perçu autrement : non plus comme une menace permanente, mais comme un mouvement de vie traversant l’immuable. Découvrir qu’il n’y a pas de problème au cœur de l’être transforme radicalement la façon d’habiter le quotidien.

Comme l’écrit Bob The Sailor (disciple de Nisargadatta Maharaj) dans le titre d’un de ses livres : « Où est le problème quand tu n’y penses pas ? » Cette simple question nous ramène à l’évidence : les problèmes ne survivent que dans le mental qui les rumine. Dès que l’on cesse d’y penser, ils se dissolvent comme un mirage. Ce n’est pas qu’ils aient été « réglés », mais qu’ils n’ont jamais eu d’existence propre en dehors de la pensée qui les entretient.

Voilà le questionnement essentiel qui rend nos rencontres si vivantes. Le prochain Satsang aura lieu le dimanche 5 octobre à 20h. Mais ces rencontres ne sont là que pour pointer vers l’unique rencontre, celle que tu as à faire avec toi-même en te reposant sans cette question : qui suis-je, ou que suis-je ? 

Quand ? Maintenant 

Où ? Ici 

Amor Fati 


vendredi 19 septembre 2025

La tentation du rejet du monde et la perte de sens après une expérience d’unité

 


Peut-être que tu sens, comme moi, que tu n’es pas de ce monde. Que ta nature essentielle, comme celle de toute chose, n’est pas faite de pensées, de perceptions ou de sensations. Il y a autre chose, un arrière-plan silencieux qui échappe aux sens. Krishnamurti parlait de the otherness, que je traduis par « l’autreté » : quelque chose d’essentiellement différent de ce que nous croyions être la réalité.

La première fois qu’on pressent cela, il y a de la joie, parfois une sorte d’ivresse. Mais très vite le mental récupère l’expérience et en fait une croyance : si le monde n’est pas réel, alors à quoi bon ? À quoi bon se lever, aimer, travailler, créer ? C’est le piège de l’« aquabonisme » spirituel, cette tentation de se détourner de la vie parce qu’on a cru entrevoir qu’elle n’était qu’apparence. Comme si l’éveil devait nous rendre étrangers au monde, alors qu’il nous en rapproche.

Car si l’on descend plus profondément dans la présence, on découvre autre chose : le monde n’a peut-être pas de réalité en lui-même, mais il est traversé, soutenu, fait de cette même conscience qui est notre essence. Les perceptions, les rencontres, les expériences sont toutes façonnées de ce tissu invisible qui est l’amour. Et loin de nous détourner des êtres et des situations, cette découverte nous y ramène avec plus d’ouverture, plus de tendresse, plus de lucidité.

Aimer ici ne veut pas dire préférer, ou donner un blanc-seing pour que tout soit permis. Aimer veut dire reconnaître que ce que je perçois et expérimente est inséparable de la conscience qui le connaît. Et c’est dans cette reconnaissance que s’apaise le sentiment d’étrangeté. La paix et la joie ne sont plus ailleurs, elles traversent ce monde tel qu’il est, avec sa beauté et ses contradictions.

C’est ce que Jésus exprimait en parlant d’un double mouvement : aimer Dieu de tout son être et aimer son prochain comme soi-même. Loin de l’aquabonisme, ce mouvement nous invite à honorer à la fois la source invisible et le monde visible, à ne rien rejeter, à laisser l’amour circuler dans les deux sens.


mardi 16 septembre 2025

Développement personnel ou réalisation impersonnelle : On ne peut servir deux maîtres à la fois

 


Développement personnel ou réalisation impersonnelle : On ne peut servir deux maîtres à la fois.


On ne peut servir deux maîtres. La corde ou le serpent. La personne ou le Soi. Le développement personnel ou la réalisation impersonnelle. L’illusion ou le réel. Car vouloir concilier la croissance du moi et la dissolution du moi, c’est vouloir marcher en même temps vers le sommet et vers la vallée. Il faut choisir. Soit tu veux devenir quelqu’un - avec un passé à guérir, un avenir à construire, une image à sauver, une y c’est respectable, soit tu reconnais qu’il n’y a jamais eu personne au centre de l’expérience.


Comme l’enseignait Sri Nisargadatta Maharaj : « Tant que vous croyez être une entité, vous êtes un esclave » (I Am That, entretien 57). Et Ramana Maharshi disait, avec ce tranchant inimitable : « Il n’y a pas deux voies. Il n’y a qu’une seule Réalité. La recherche du Soi est la seule voie » (Talks with Sri Ramana Maharshi, n°189).


Tu ne peux pas à la fois garder le masque et te fondre dans la lumière. Tu ne peux pas à la fois dire « moi je veux m’épanouir » et entendre cet appel muet : « Toi qui veux t’épanouir, qui es-tu ? » La spiritualité n’est pas une extension du développement personnel. Elle est sa déconstruction.


Shankara, dans la Vivekachudamani, nous avertit : « L’illusion du moi est la racine de toutes les souffrances. La réalisation du Soi est la paix suprême » (v. 147). Tant que tu veux transformer ta personne, tu restes dans le rêve. Mais le Réel ne se transforme pas. Il est. Il a toujours été là. Comme le serpent n’a jamais été que la corde mal vue dans l’obscurité.

L’Ashtavakra Gita est sans détour : « Celui qui voit que le Soi seul brille dans tout, qui n’est ni pur ni impur, atteint la paix. Il est libre » (1.12, trad. Jean Papin). Alors cesse de jouer aux deux jeux à la fois. Tu ne peux pas plaire à Dieu et à Mammon, disait déjà Jésus. Tu ne peux pas plaire à l’égo et à la vérité. L’un doit se dissoudre pour que l’autre soit vu.

Le développement personnel est un polissage du masque. La reconnaissance impersonnelle est la fin du masque.  Tu redécouvres que Tu es l’Espace ouvert et transparent derrière le masque omniprésent et en paix. 

« Je suis Cela », dit le sage, non pas par orgueil mystique, mais parce qu’il ne reste plus personne pour dire autre chose. Et c’est là que la paix véritable se réalise. Non dans l’effort pour devenir quelqu’un, mais dans le feu silencieux de la Présence, du non-devenir.

Tu ne peux pas servir deux maîtres. Mais tu peux t’incliner devant le mystère, et t’ouvrir à ce qui a toujours été là - libre, conscient sans nom et sans histoire. 



L’aquabonisme …

 


L’aquabonisme est un état qui traverse de nombreux chercheurs spirituels. Le terme a été inventé par Serge Gainsbourg dans une chanson des années 70 pour exprimer ce « à quoi bon ? » qui surgit quand rien ne semble plus satisfaire profondément. On retrouve ce même état dans les grands textes de la non-dualité : l’Ashtavakra Gita, la Bhagavad Gita et le Yoga Vasishtha. Dans chacun de ces textes, un disciple désespéré confie à son maître qu’il ne voit plus de sens à sa vie, et c’est de là que commence l’enseignement. Dans la tradition chrétienne, on parlait autrefois d’acédie : ce moment où le moine, au milieu de ses prières, perd le goût de tout et ne sait plus pourquoi il est là.

L’aquabonisme est de la même nature. C’est ce « à quoi bon ? » qui surgit quand on a épuisé les illusions d’un bonheur extérieur. Je vois que ni les relations, ni les réussites, ni les possessions ne m’offrent le bonheur ou la tranquillité que je cherche. Tout retombe, et reste une nostalgie qui ne se laisse pas combler.


Souvent, nous essayons d’échapper à cet état. Nous inventons de nouveaux projets, nous changeons de décor, nous nous accrochons à une nouvelle promesse de satisfaction. Mais à un certain moment, l’expérience se répète : rien ne dure, rien ne suffit. L’aquabonisme se fait alors plus insistant.


Par contre, quand on cesse enfin de le fuir et que l’on entre en intimité avec lui, vibratoirement, sensoriellement, tactilement, quelque chose se révèle. Cette intimité avec le désespoir n’écrase plus, elle ouvre. On le goûte dans le corps, dans le souffle, comme dans la voie du sentir : on ressent pleinement cette lassitude, cette nostalgie, ce vide apparent. Et c’est là que tout se transfigure. On réalise que la souffrance elle-même n’est jamais autre chose que de l’amour en quête de lui-même, cherchant à retrouver sa propre plénitude.


Alors, l’aquabonisme cesse d’être une dépression spirituelle pour devenir un signe de maturité. Il ne dit plus : « tout est vain », mais « rien de ce qui est objectif ne peut me combler ». Et cette fidélité sans objet, ce consentement à l’évidence, se transmute en pressentiment vivant : la reconnaissance que la paix, la joie et l’amour ne viendront jamais d’un objet, mais jaillissent de la Source elle-même — l’espace clair que nous sommes.


En ce sens, l’aquabonisme est une grâce. Il brûle nos illusions, il démasque nos attachements, et il ouvre à ce silence vivant où rien ne manque déjà.


Cette nostalgie traverse les plus grandes œuvres de l’humanité. L’Odyssée en est l’une des premières. Après avoir guerroyé et erré sans fin, Ulysse n’aspire plus qu’à une seule chose : rentrer à la maison, retrouver Pénélope. Ce retour est plus qu’un voyage, il symbolise le retour à soi, après toutes les dispersions du dehors. La musique révèle la même structure : tout système harmonique s’éloigne de sa note d’origine, explore tensions et dissonances, puis revient enfin à la tonique, à la note fondamentale. Ce retour est vécu comme une délivrance.

L’aquabonisme, accueilli par la voie du sentir, devient une fidélité à la simple réalité de l’instant. Il révèle que toute attente et toute souffrance, lorsqu’elles sont senties dans leur intensité, portent le germe de l’amour qui cherche à se reconnaître. Et cette reconnaissance est tranquille, immédiate, sans direction. Point. C’est la conscience qui se reconnaît elle-même. C’est Dieu qui s’éveille, en nous, comme le disait Ibn ‘Arabi.

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Paroles de la chanson « L’aquoiboniste » de Serge Gainsbourg qui est l’inventeur de ce terme … 


L'aquoiboniste 

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Un modeste guitariste
Qui n'est jamais dans le ton
À quoi bon

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Un peu trop idéaliste
Qui répèt' sur tous les tons
À quoi bon

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Un drôle de je-m'en-foutiste
Qui dit à tort à raison
À quoi bon

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Qui s' fout de tout et persiste
À dire j' veux bien mais au fond
À quoi bon

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Qu' a pas besoin d'oculiste
Pour voir la merde du mon-
de à quoi bon

C'est un aquoiboniste
Un faiseur de plaisantristes
Qui dit toujours à quoi bon
À quoi bon
Un aquoiboniste
Qui me dit le regard triste
Toi je t'aime, les autres ce sont
Tous des cons

samedi 13 septembre 2025

Les 4 étapes de l’éveil à la non dualité


« L’évolution » de la conscience, si l’on peut parler ainsi, traverse généralement quatre stades chez l’humain. Pour une compréhension pédagogique, je vais les présenter dans un certain ordre, mais il est important de garder à l’esprit que l’expérience réelle ne suit pas toujours un chemin linéaire.

Au premier stade, la conscience est immergée dans l’objet. On vit absorbé par les sensations, les émotions, les pensées. Toute expérience nous emporte et semble nous définir, comme si nous étions faits uniquement de ce que nous ressentons, pensons ou voyons. La peur, la colère, le désir, l’intelligence prennent le devant et semblent être nous-mêmes, tant que nous ne les distinguons pas de ce que nous sommes.

Au deuxième stade, un recul s’opère et la conscience se reconnaît comme témoin. On découvre que les pensées, les émotions, le corps lui-même sont perçus, et que le fait de percevoir n’est pas ce qui est perçu. Il y a toujours un « je » qui regarde, un observateur distinct de ce qui apparaît. Nisargadatta disait : « Je vois que je ne suis pas ce qui apparaît. » Cette simple reconnaissance transforme déjà notre manière d’être au monde et libère peu à peu de l’emprise des réactions habituelles.

Le troisième stade est subtilement différent : même le témoin disparaît. La conscience n’est plus placée en vis-à-vis d’un objet et il n’y a plus de sujet séparé qui observe. Ce n’est plus « je regarde », ce n’est plus « je suis la chose regardée » : il n’y a que la présence, ouverte et sans bord. Les phénomènes continuent d’apparaître, mais la séparation sujet/objet s’efface. C’est la conscience sans objet, où l’expérience directe de la non-dualité se manifeste. La différence entre le deuxième et le troisième stade est subtile mais essentielle : le deuxième stade est le recul d’un observateur, le troisième stade est la disparition de l’observateur lui-même.


Au quatrième stade, la présence se reconnaît elle-même comme source et déploiement, créatrice de toute forme. Comme je le formule souvent, ce quatrième état, c’est réaliser que « Je suis le sans-forme qui prend toute forme ». Et que c’est ça la signification profonde de la fameuse phrase dans la Chandogya Upanishad : “Tat tvam asi” (Tu es Cela).

Cela, c’est la conscience qui prend toute forme. Qui semble prendre toute forme. Qui rêve, qui module en tant que toute forme. Qui se manifeste en tant que toute forme. Et on sent que l’on est cela. » Sat-Cit-Ananda (être, conscience, félicité) n’est plus une simple notion, c’est l’évidence tranquille qui soutient chaque instant, comme si à chaque expérience ou perception, émotion ou pensée, je disais : Je suis le Sans Forme qui prend la forme de cette émotion-ci, ce son-ci, cette pensée-ci. Tout est soudain fait de la même substance, comme dans un rêve nocturne lorsque l’on réalise que l’on est en train de rêver. Tous les personnages sont faits d’un seul et même cerveau si on est matérialiste ou d’une seule et même Conscience si on aborde cela dans une dimension spirituelle. 

Le monde continue d’apparaître et les actions se font, les circonstances changent et évoluent, mais au lieu de nous ébranler ou de susciter résistance et agitation, elles trouvent naturellement leur juste place. On agit alors de manière claire et adaptée, parce que ce qui doit être fait se fait, sans que l’ego n’ait besoin de tout contrôler, et sans que la peur ou le désir ne prennent le dessus. Cette stabilité de l’arrière-plan, cette présence silencieuse mais vivante, devient le socle permanent à partir duquel la vie peut se déployer librement. C’est là que se réalise le véritable basculement : la conscience cesse de chercher quelque chose en dehors d’elle-même et se reconnaît enfin comme ce qu’elle a toujours été vaste, ouverte et pleinement vivante, une présence à la fois simple et infinie.

Pour ma part, dans mon expérience, ces stades ne se sont pas présentés exactement dans cet ordre. Il y a eu parfois de grandes expériences d’unité, où tout était un, et puis je suis revenu à l’état de témoin, et ces différentes façons d’être se sont répétées à différents moments, sans suivre une progression linéaire. C’est pour cela qu’il faut être très prudent avec l’idée de stades : il ne s’agit pas de passer « comme un fil dans le chas de l’aiguille » d’une expérience à une autre selon le modèle de quelqu’un d’autre. Se comparer ou vouloir suivre un ordre précis peut arrêter le questionnement profond et créer de l’identification inutile. Ces mots et ces stades servent plutôt à reconnaître ce qui peut se manifester, sans imposer un chemin obligatoire. Le but n’est pas de croire que l’on doit nécessairement passer par ces étapes dans l’ordre, mais simplement d’offrir un cadre pour la compréhension.

Que la paix et la joie règnent en toi et autour de toi.

Amor Fati