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Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

mercredi 27 août 2025

Je suis qui se fait moi pour que moi redevienne je suis


Je suis qui se fait moi pour que moi redevienne je suis


Quand on se demande : « Qui est je suis ? », la réponse immédiate est souvent : c’est moi. Moi conscient, moi séparé des autres. Mais dès que l’on y prête attention, cette évidence se fissure : d’où vient ce sentiment d’être « moi » ? Est-ce une découverte profonde de notre être ? Une illusion de la pensée ? Ou une limite de ce dont nous avons conscience ?

Kant l’avait pressenti : « Posséder le Je dans sa représentation. Ce pouvoir élève l’homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la Terre. Par là, il est une personne et, grâce à l’unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne… »

(Emmanuel Kant, Anthropologie d’un point de vue pragmatique, trad. Michel Foucault)


L’unité de la conscience, ce fil invisible qui relie chaque instant de notre vie, est ce qui nous fait sentir comme la même personne. Mais Kant ne va pas plus loin. Il ne nous pousse pas à interroger : si ce fil n’est ni le corps ni le mental - qui changent constamment - d’où vient-il vraiment ?


Car le corps grandit, vieillit, se transforme. Le mental bouge, s’agite, s’oublie lui-même. Pourtant, au milieu de ces changements, quelque chose reste. Nous sentons toujours que c’est moi, le même moi que nous étions hier, que nous serons demain. Cette continuité, si évidente et si immédiate, ne peut venir ni de la matière ni des pensées.


C’est là que la perspective non-duelle nous éclaire. En faisant honnêtement l’investigation du Soi très vite vous réaliserez comme Nisargadatta Maharaj que : « Vous n’êtes pas ce corps, vous n’êtes pas cet esprit. Vous êtes la conscience, le témoin qui est toujours présent. »


Ramana Maharshi dont l’enseignement spirituel est notamment connu par le fait qu’il a simplifié et popularisé l’investigation du Soi invitait à retourner à cette évidence :

« Cherchez celui qui est conscient, et non ce dont il est conscient. »


Et pourtant… il reste toujours quelque chose. Un espace dans lequel surgissent et disparaissent toutes ces formes. On pourrait l’appeler conscience pure, simple « je suis ». Puis vient la conscience de soi, le fait d’être sujet. Enfin, la conscience incarnée, ce « moi » qui vit dans un corps.

Certains disent que ce « moi » est une illusion, qu’il faut le dissoudre pour revenir à la pure conscience. D’autres voient au contraire dans cette incarnation le passage même par lequel la conscience se révèle.

Et voici l’expérience concrète que chacun peut faire ici maintenant, lecteur : prenez un instant pour pointer, avec l’index vers l’« absence de tête », au-dessus de vos épaules comme dans la vision sans tête. Vous pouvez placer un doigt vers ce à partir vous imaginez percevoir à savoir la tête et soudain, vous remarquez que ce regard, cet espace qui voit, n’a pas de bords, de forme, de couleurs… Vous découvrez quelque chose de très concret : il y a toujours cet espace, cette présence, cette ouverture accueillant toute perception, même quand tout le reste bouge et change.


Cette expérience montre que la continuité que nous ressentons n’est pas attachée à une forme particulière, ni au corps, ni au mental. Elle est ce champ de conscience toujours là, immuable, qui traverse toute notre vie. Le « moi » que nous croyons suivre à travers les années est en réalité cette présence inaltérable.


Peut-être alors que le mouvement fondamental est double : je suis devient moi, pour que moi redevienne je suis. Le relatif - le corps, le mental, la personnalité - se manifeste, et à travers lui, la conscience pure se révèle. La continuité de la personne n’est plus un mystère : elle est l’évidence de ce témoin silencieux, qui traverse chaque instant sans jamais disparaître. La personne est relégué à ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : un mot désignant une singularité humaine, un corps mental. Et quand on sait que le mot personne vient étymologiquement du mot persona signifiant masque on comprend que ce n’est pas ce que l’est ultimement. Le masque est ce que je donne à voir aux autres. C’est ma personne publique, ma 3e personne. Mais au centre de moi-même, il n’y personne, juste une présence consciente impersonnelle, infinie et atemporelle. 


Et quand on vit cette reconnaissance pleinement, la vie entière change de texture. Le moi n’est plus un poids, ni un personnage coincé dans un corps ou dans des pensées. Il devient une fenêtre ouverte sur ce qui est toujours là, un souffle qui traverse tout, un espace vivant dans lequel tout apparaît et disparaît. C’est exactement ce que révèle la vision sans tête : l’absence de centre, l’immensité présente, l’évidence de ce qui est toujours là.


En revenant vers cet espace, encore et encore, on comprend que la continuité que nous avons toujours sentie n’a jamais été ailleurs : elle est notre vraie nature, la présence immuable à laquelle chaque « moi » participe, et dans laquelle chacun de nous peut se reconnaître ici et maintenant.

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