Feel it !




Paroles et musique de Dan Speerschneider
un album pour célébrer la vie ;-)

jeudi 7 août 2025

La pédagogie non duelle.

 


Un enseignement vivant ne peut être figé. Il ne peut se transmettre comme un contenu stable, ni reposer sur une méthode applicable pour tous. La pédagogie non duelle,  est souple et dispose d’une multiplicité de « techniques habiles » comme le disait le Bouddha. 

Elle se donne dans l’instant, à l’écoute de chaque être, de chaque question, de chaque moment. Chaque question sincère est en soi une main tendue et elle appelle une réponse vivante, ajustée. Et cette réponse peut prendre toutes les formes : un mot, un silence, un regard, un accord de guitare, un geste, une présence. L’important n’est pas la forme, mais ce qu’elle provoque c’est-à-dire un basculement de la conscience ou plutôt un relâchement de l’attention dans sa propre source, une détente, un arrêt du mental. 


La plupart des questions viennent du mental. Elles portent en elles l’idée qu’il manque quelque chose, ici et maintenant. Elles supposent que le futur apportera ce qui fait défaut au présent. Mais la réponse véritable ne nourrit pas cette logique. Elle ne rassure pas. Elle désarme et désarçonne. Elle interrompt l’attente de quelque chose de mieux plus tard que maintenant et ailleurs qu’ici. 

Elle fait silence là où il y avait demande. Elle coupe l’herbe sous les pieds du questionneur. Ce n’est nullement une réponse pour comprendre. C’est une invitation à voir. À « quitter le vu (s’appuyer sur la mémoire) pour vraiment voir » (directement). 


La question demande : « Comment puis-je me libérer ? » Et la réponse authentique ne donne pas de méthode. Elle fait voir qu’il n’y a personne à libérer. Rien à atteindre. Tout est déjà là.


Comme le disait Nisargadatta Maharaj : « Venez de mon côté et voyez ce que je vois. » Il ne disait pas : venez voir ce que moi, la personne, perçois à travers mes filtres, mes croyances, mon histoire. Il disait : venez voir d’où je vois - depuis cet espace sans forme, sans passé, sans moi. Et ce « d’où » est silence. C’est une vision sans tête. C’est une clarté impersonnelle. Une présence nue.


La chanson « Vois ce que Je vois » de mon dernier double album (Sat Songs) évoque ce retour en musique : 


https://youtu.be/fd8b3mMA19s?si=vssv7l-TbjHg6i9C


Le rôle du guide n’est pas de donner des outils, mais d’ajuster sa réponse à ce qui se présente, et à la maturité de celui qui interroge. La parole vivante n’appartient à personne. Elle surgit, ou non, selon le moment. Elle répond, ou elle se tait. Elle coupe, ou elle caresse mais toujours, elle invite à revenir ici. À revenir maintenant, ce hors du temps atemporel où Tu n’as jamais cessé d’être, sauf en imaginaire. 


Quand quelqu’un me demande ce que je fais, la réponse varie. Elle varie selon qui pose la question, d’où elle vient, et ce qu’elle appelle, même inconsciemment. Quand mon père me demande ce que je fais : je fais de la méditation, j’essaie d’être un peu plus en paix avec moi-même. Quand c’est un ami curieux sans plus : j’anime des cercles de parole, je transmets ce que la vie m’a appris. Quand c’est un représentant du gouvernement : je fais du yoga, des pratiques corporelles douces. Mais quand quelqu’un me demande avec sincérité, avec le désir brûlant  de se reconnaître, alors la réponse change du tout au tout. 


Si la question vient de l’intellect, je peux parler de non-dualité, de conscience, de l’absence de libre arbitre, de mental, de non savoir ou de silence. Mais je sais que rien ne sera véritablement intégré. Ce sera stocké dans la mémoire, répété peut-être, mais non directement vécu. Parfois le mental a besoin d’être rassuré avant de sauter dans le vide. 

Si la question vient d’un vrai désir de sortir de la souffrance, j’invite à retourner le regard, à voir à partir de ce qui voit vraiment, à interroger l’auteur même de la question et entrer dans une investigation du Soi. Mais si la demande est encore tournée vers une solution, un mieux-être, ce ne sera qu’un soulagement temporaire. Si la question vient de ce qui est prêt, je ne dis peut-être rien. Je reste là. Et quelque chose se reconnaît avant les mots. Du coup il n’y a pas d’os à ronger, rien n’est appris, mais tout est vu. Directement. 


Toutes les réponses ne servent qu’à cela : arrêter le mouvement de la demande et retirer le poids de l’attente. Il s’agit de couper la tension du devenir pour permettre à la Conscience de se reconnaître Elle-même.


Mais cela ne peut pas être forcé. Comme le dit cette phrase magnifique, citée par Jean-Yves Leloup à propos de la thérapie de l’être dans son livre sur Philon d’Alexandrie et qui vient du Cantique des Cantiques  : « N’éveillez pas mon amour avant l’heure de son désir. » Il faut que la conscience veuille se voir. Pas la personne, pas l’ego. La personne ne s’éveille pas. Elle est une simple perception éphémère. C’est l’amour Lui-même qui se retourne et se reconnaît.


La vraie pédagogie ne cherche pas à enseigner. Elle attend,elle écoute, elle ressent. Elle parle quand c’est mûr et se tait quand ce ne l’est pas. 


Quand Hérode lui demande qui il est, Jésus se tait. Il ne répond pas, pas parce qu’il doute, mais parce que la vérité ne se prouve pas. Hérode cherche un signe, un miracle, une performance. Mais l’amour ne se montre pas sous la contrainte. Alors Jésus garde le silence. Parce qu’il sait que ce silence dit tout. Parce qu’il n’y a rien à expliquer quand on est simplement ce que l’on est.


La véritable pédagogie vit dans le « kairos », dans ce moment juste, qui ne revient jamais, mais qui est toujours là. Ce n’est pas une méthode, c’est un art. Un art de présence et de simplicité. Un art de vivre. 

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