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vendredi 29 août 2025

Le Yoga Vasishta : Un texte majeur non duel



En ce moment, j’ai repris avec une grande joie la lecture du Yoga Vasiṣṭha dans sa traduction française. Ce livre n’est pas seulement un texte à étudier intellectuellement, mais un véritable catalyseur. Pour certains, il peut ouvrir la voie à l’éveil, et pour d’autres, il approfondit et intensifie la joie de l’éveil déjà présent.

En le lisant, je découvre à nouveau la profondeur abyssale de ce texte et la sagesse infinie qu’il contient. Je conseille vivement à tout lecteur de s’en procurer un exemplaire et de l’étudier profondément, car c’est vraiment l’un des grands joyaux de l’humanité, une des perles non duelles capables d’éveiller l’homme à sa vraie nature.

Qui étudie ce texte et en saisit l’enseignement n’est plus le jouet de l’apparence du monde. Quand on s’aperçoit que le serpent mortel qui se trouve là-bas n’est qu’un simulacre, on n’en a plus peur. Quand l’apparence du monde est envisagée en tant qu’apparence, elle ne produit ni joie ni tristesse.

Il est vraiment fort regrettable, alors que de tels enseignements sont capables de réorienter nos faux désirs vers le bonheur qui est déjà en nous, que les gens continuent à chercher le bonheur à l’extérieur. Cette ignorance-là, que Ramana Maharshi appelait l’ignorante ignorance, est la cause de la plupart des conflits dans le monde.

Extrait du Yoga Vasiṣṭha :

Les paraboles n’ont qu’un seul but, permettre à qui les entendent d’accéder à la vérité. La découverte de la vérité est si essentielle que toute méthode raisonnable visant à y parvenir est justifiée, bien que les paraboles elles-mêmes puissent être imaginaires. Les paraboles ne sont applicables qu’en partie à la vérité qu’elles sont chargées d’illustrer, et il convient de ne s’attacher qu’à cette partie et de ne pas tenir compte du reste. L’étude et la compréhension des écritures au moyen d’exemples et avec l’aide d’un instructeur compétent ne sont nécessaires que tant qu’on n’a pas réalisé la vérité. Je répète que cette étude doit se poursuivre jusqu’à la réalisation de la vérité. On ne devrait pas s’arrêter avant l’éveil complet. Une connaissance partielle de ce texte sacré entraîne une confusion qui perturbe encore davantage. Ne pas reconnaître l’existence de la paix suprême dans le cœur et admettre la réalité de facteurs imaginaires représentent deux errements imputables à une connaissance imparfaite et à la logique tordue qui en résulte. De même que l’océan est le substrat de toutes les vagues, seul l’expérience directe est le fondement de toutes les preuves, l’expérience directe de la vérité telle qu’elle est. Ce substrat est l’intelligence en état d’expérience, qui devient elle-même la personne qui vit l’expérience. Le fait de l’expérience est l’expérience elle-même. Seule l’expérience en train de s’accomplir est le fait. Pourtant, dans un état de non-compréhension, cette expérience occupée à s’accomplir donne l’impression d’avoir un sujet, la personne qui fait l’expérience. La sagesse née de l’esprit d’investigation dissipe cette non-compréhension et l’intelligence indivise brille dans son propre éclat. À ce stade, même l’esprit d’investigation devient superflu et se dissout.

Extrait du Yoga Vasiṣṭha 2.1, traduit du sanskrit en anglais par Swami Venkatesananda, puis de l’anglais en français par Patrick Repusseau, éditions InnerQuest (années 1990).

Vasiṣṭha le dit avec force. Les paraboles n’ont qu’un seul but : aider celui qui les entend à accéder à la vérité. La plupart des enseignements spirituels, qu’il s’agisse du Christ ou du Bouddha, reposent sur des paraboles, des histoires.

Mais le Yoga Vasiṣṭha se distingue particulièrement par son usage de l’imaginaire. Contrairement à un texte comme l’Ashtavakra Gita, très direct et presque dépourvu de paraboles, le Yoga Vasiṣṭha déploie un véritable débordement d’histoires : des récits enchâssés dans d’autres récits, des rêves imbriqués dans des rêves.

Cette inflation d’imaginaire n’a pas pour but de distraire, mais paradoxalement de libérer le lecteur de l’attachement aux images et aux scénarios. On pourrait très facilement s’attacher aux destins des personnages, aux rêves vécus par Rama, mais Vasiṣṭha, à travers ces enchaînements, montre que toute affliction et tout désir éprouvé dans le rêve n’existent qu’en tant que rêve.

Comme lorsqu’on se réveille d’un cauchemar ou d’un rêve merveilleux, on prend conscience que l’attachement était vain, car tout n’était qu’un artefact illusoire. Cette utilisation audacieuse de l’imaginaire constitue l’une des spécificités majeures du Yoga Vasiṣṭha.

Toutes les vagues naissent et disparaissent sur l’océan. De même, toutes les expériences apparaissent et disparaissent sur le fond silencieux de la conscience. Ce qui est réel, c’est l’expérience en train de s’accomplir et non un sujet séparé qui la produirait. Croire qu’il existe un auteur personnel de l’expérience est une surimposition, née de la non-compréhension. Voir cela, c’est reconnaître que la conscience est le seul substrat, la seule réalité stable et indivise.

L’esprit d’investigation a ici un rôle essentiel. Il dissipe l’illusion en ramenant sans cesse la question à la racine : qui fait l’expérience, qui est le je qui croit voir ou agir ?

Cette interrogation simple mais radicale défait peu à peu le nœud de l’identification. C’est exactement ce que Ramana Maharshi a repris et radicalisé en faisant de la question « Qui suis-je ? » le cœur de son enseignement, une arme directe contre l’illusion du sujet séparé.

Pourtant, lorsque la vérité se révèle pleinement, même cette investigation devient inutile. Elle se dissout comme une échelle qu’on abandonne une fois le sommet atteint, ou comme un radeau qu’on laisse sur la rive une fois la traversée accomplie.

Cet usage des moyens qui s’effacent devant la réalisation directe n’est pas propre au Yoga Vasiṣṭha. On le retrouve dans le bouddhisme mahāyāna, où les moyens habiles n’ont de sens que jusqu’à la reconnaissance de la vacuité, et dans la mystique chrétienne, où les maîtres insistent sur la nécessité de dépasser les images et les concepts pour entrer dans la lumière de Dieu.

Dans l’Advaita, enfin, Śaṅkara rappelait déjà que seule l’expérience directe peut fonder une certitude définitive.

Ainsi, les paraboles, l’étude et l’investigation sont de précieuses aides, mais elles n’ont de valeur qu’en tant qu’elles conduisent à ce qui est déjà présent au cœur de chacun : la conscience indivise, l’expérience immédiate de la vérité telle qu’elle est, pure et simple.

De la même façon que le doigt, dans l’expérience du retournement de la conscience à 180 degrés vers elle-même, dans les expériences de Douglas Harding, nous conduit vers l’espace ouvert au-dessus de nos épaules, il n’y a pas lieu de vénérer le doigt en lui-même. Il n’y a pas lieu de s’attacher au doigt qui nous a permis de revenir vers l’espace.

Une fois que l’espace ouvert s’est redécouvert lui-même, ce qui a semblé avoir le pouvoir de nous y faire accéder est relégué au second rang.

Comme l’océan qui demeure immobile dans chacune de ses vagues, la paix suprême se révèle dans chaque instant.

Amor Fati 


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